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Mythos 2014

2,3… 4 étoiles !

Martine, Catherine, Isabelle. Les noms de ces trois sœurs resteront à coup sûr dans les mémoires des spectateurs qui sont venus voir 2,3… grammes, le spectacle joué par Lise Wiblé. En effet, il faut prendre la peine de citer et retenir son nom car cette actrice a relevé et remporté haut la main le défi de représenter pas moins de cinq personnages sur scène et ce, seule.

Emportés par la foule

C’est ainsi que par ce morceau de bravoure, ce véritable exploit, nous découvrons une à une les différentes facettes, les différents tics, les peurs, les désirs, les vies de chaque personnage. Impossible d’incarner autant de personnages différents sans costume, sans accessoire particulier ? Et pourtant, dans une intrigue tragi-comique qui s’amorce et se construit autour d’une mère alcoolique et cynique, on voit se dessiner sous nos yeux une foule de personnalités, qui revendiquent chacune le droit d’émerger et de raconter son histoire au travers de cette actrice lumineuse. On se retrouve successivement par des flash-back subtilement intégrés aux quarante ans de mariage des parents, à Noël ou encore aux noces de la cadette. Il s’agit de mettre en relation toute cette famille aux membres pour le moins originaux. Car finalement, c’est de cela qu’il s’agit, un véritable laboratoire humain où se mélangent les styles : l’on y rencontre aussi bien la poésie de Verlaine, qu’une professeure de philosophie parisienne hautaine, une épouse simple hyperactive ou encore une femme un peu effacée par les fortes personnalités de ses deux sœurs.

Un conte d’un genre nouveau

C’est ainsi que sous nos yeux ébahis, le décor et les personnages s’animent. Comment ne pas se retrouver happé dans ces tranches de vie qui s’offrent à nous ? Comment rester insensible devant des thèmes aussi durs que l’alcoolisme, la vieillesse et l’attente de la mort ? Ces sujets qui peuvent apparaître lourds au premier abord sont ici traités de manière intelligente, avec humour, de cet humour qui apporte le recul nécessaire tout en conservant une situation prenante. Ainsi le public est amené à rire surtout mais également à réfléchir à ces questions car ici on redécouvre le théâtre, un conte d’un genre nouveau.

Ce théâtre nous distrait, certes, mais est aussi porteur d’un message. Ce message, ce n’est pas une morale traditionnelle qui affirme comme dans le conte « classique », non ici c’est un spectacle, un texte mis en résonnance par un jeu d’acteur, qui va remuer l’âme du spectateur. Tel le petit Poucet, de petites questions, de petites scènes se retrouvent semées dans nos esprits et interrogent. Nul doute qu’elles germeront, qu’elles feront un jour écho aux situations de l’instant présent et trouveront réponse un jour en chacun d’entre nous. En attendant, on sent que ce spectacle n’était pas anodin, vous vous sentez différent après l’avoir vu, vous ne savez pas exactement pourquoi, vous n’avez pas les mots mais une vague impression que quelque chose a changé en vous, qu’on vous donné quelque chose. On comprend mieux pourquoi ce spectacle en est à sa 200ème représentation.