Dominique A profite de la simplicité du festival Mythos pour prendre le temps de se raconter. Il livre au blog du festival un regard à la fois critique, sincère et émouvant sur son parcours à l’occasion de la tournée de son album « Vers les lueurs » et de la réédition de tous ces titres l’année dernière. Plus de 20 ans de carrière, ça lui ferait presque des cheveux blancs…
Bonjour Dominique A, et bienvenue à Mythos ! On aimerait pour commencer revenir sur ta présence au festival. Tu te définis comme un songwriter avant tout, on serait tenté de dire que tu joues en terrain conquis ?
Je suis super heureux d’être ici, Mythos est un festival que je connais bien et que j’apprécie particulièrement pour son esprit et sa simplicité. Après, pour le concert, j’appréhende un peu le rapport au son dans le Magic Mirror, ça peut être très bien comme très mauvais, il y a une grosse part d’inconnue. Ce sont des lieux magnifiques pour les spectateurs et pour faire la fête, pour y jouer c’est moins évident.
Artiste solo, comment tu qualifierais ton rapport à la scène ?
C’est un réel plaisir d’être sur scène même si je ne la mets pas au centre de tout. Ce qui est primordial pour moi c’est l’écriture, même si j’adore partager avec les gens. La scène permet d’affiner mes envies pour la suite. Par exemple là je suis dans l’énergique, je vais peut être retourner plus tard à quelque chose de plus climatique, et c’est la scène qui me permet de trouver cette continuité. Après, si je me considère réellement comme un artiste solo, en tournée il y a un côté gang, on partage tout du soir au matin et on prend un plaisir immense. C’est même parfois dur de s’arrêter, mais j’aime cette frustration.
Mythos un festival de la francophonie, raconte nous ton rapport à la langue française et aux mots.
C’est une évidence pour moi. Je parle en français et c’est bien sûr la langue que je connais le mieux donc quand j’ai envie de m’exprimer clairement c’est ce qui me vient naturellement. J’ai toujours été nourri de musique française, et maintenant le rapport aux sonorités de la langue a changé. On s’est beaucoup amélioré en France au niveau de la qualité des arrangements, on sait mieux faire sonner et produire des choses en français. En terme d’énergie, la langue française est difficile à faire passer en force vu qu’il n’y a pas d’accentuation, ce qui n’empêche pas qu’elle soit très chantante. C’est pour ça qu’une partie du rap français fonctionne très bien, elle est faite pour le flow. Pour le rock c’est plus délicat… Dans mon registre de la chanson, c’est plus abordable, je suis même souvent obligé de contenir mon lyrisme. Mais le rapport à la langue n’est jamais simple.
De ton passé new-wave à Nantes, les cheveux en moins, il te reste quoi ? Ton rapport à l’instrumental, le fait de ne pas en faire un simple accompagnement à la parole ?
Bien sûr, il me reste une certaine énergie aussi je pense. J’aimerai bien être plus fin mais j’y arrive pas ! J’essaye dans mon dernier album de m’ouvrir au maximum, de ne pas rebuter les gens même si je considère que c’est quand même très simple et accessible ce que je propose. Je cherche maintenant des sonorités ambitieuses mais pas compliquées, donc une fois le travail d’écriture terminé on a été très attentif aux arrangements. Arriver à combiner la formation rock avec un quintet à vent, c’était pas gagné dès le départ, mais je suis plutôt satisfait du résultat.
Tu as longtemps fuis le succès populaire et l’image qu’on a voulu te donner dans les années 90, maintenant que le succès est là on peut dire que tu t’es pris au jeu ?
Oui un peu ! Après si aujourd’hui ça marche mieux, ça n’a pas radicalement changé pour moi. La victoire a peut être amené des personnes en plus mais je joue toujours dans les même salles. Le public est plus large et la notoriété plus grande, c’est évident, et ça me permet de prendre les choses avec plus de joie. Disons que je sais plus la valeur des choses aujourd’hui. Quand j’avais 26 ans, le fait d’avoir du succès je considérai ça comme quelque chose de normal, je me disais que je pouvais faire venir les gens quand je voulais et c’était jouissif de tout envoyer balader. J’ai plus du tout ce rapport là, je suis conscient que c’et dur de remplir les salles et j’ai surtout envie d’envoyer chier personne, à part les emmerdeurs ! Je me suis libéré aussi de cette peur panique qui m’accompagnait au début.
La victoire de la musique a été une reconnaissance publique, mais ton travail a toujours été reconnu par tes pairs. Comment tu as vécu ce décalage entre des critiques élogieuses et le fait de jouer dans des petites salles, certes avec un public fidèle, mais sans être devenu plus tôt un artiste « populaire » ?
Il y a toujours eu cet écart entre le discours de la presse spécialisée, pas la télé évidement, et la réalité sur le terrain. Les gens me demandaient sans cesse si j’en avais pas mare de galérer, alors que moi je le vivais totalement différemment. Je vivais vraiment bien, les gens me faisaient confiance. J’ai traversé des moments compliqués mais jamais ceux où personne n’en a plus rien à foutre de toi, comme ce qui a pu arriver à des amis qui ont commencé en même temps que moi et qui aujourd’hui pensent sérieusement à faire autre chose.
Qu’est ce qui a fait la différence ?
Le temps, la chance surtout, et je pense une bonne part de volontarisme. Le talent ne fait rien si on ne lui force pas la main. Après il faut savoir être patient et attendre le coup de bol, la bonne rencontre, la bonne chanson qu’on a réussi à attraper au bon moment. C’est une alchimie délicate et on ne contrôle pas tout.
Plus de 20 ans de carrière, tu as parfois chanté des textes très sombres, c’est derrière toi ?
Quand je faisais « remué » en 99 c’est que j’avais envie de tout cramer. Au final ce disque a fait barrage à beaucoup de chose. C’est deux ans de ma vie qui ont fait tâche d’huile sur tout le reste. J’ai eu beaucoup de mal à faire comprendre au gens que cette période était passée, que la parenthèse était refermée. Mais quand tu fermes la porte brutalement, c’est plus difficile de la rouvrir que de l’ouvrir une première fois, il m’a fallu des années.
« Remué » reste une pierre angulaire de ton travail, c’est pas une erreur de parcours ?
Bien sûr que non, c’est pour ça qu’on m’en a tant parlé alors que c’est le disque qui a le moins marché ! Je pense qu’au final c’était un des plus frappant, des plus forts. Après j’ai essayé pendant toutes ces années de garder une forme de cohérence. Au final depuis le début c’est du blues, sauf qu’il n’ y a pas les 12 mesures. On a quelque chose en soi et après on la décline, le tout c’est de varier les environnements musicaux pour ne pas emmerder les gens. J’ai toujours peur de stagner, j’espère que je serais créatif, intéressant, que les gens qui me suivent ne se lasseront pas.
Tu sens qu’il y aura une plus grande pression sur tes prochains albums, à la fois médiatique et de la part du public ?
Oui certainement un peu plus, mais je crois que la pression elle est avant tout individuelle. Au final on attend rien de moi, chacun vit sa vie, il y a que moi qui ai des attentes vis-à-vis de moi même. Après, quand je propose quelque chose, les gens prennent ou pas. Si je devais m’arrêter maintenant les gens qui m’apprécient se contenteraient de ce que j’ai fait et la vie continuerait pour eux.
Justement, vu que tu ne comptes pas t’arrêter de si tôt, si on parlait de la suite ? Des envies ? Des projets ?
Immédiatement c’est de tourner autour du bouquin que j’ai fait l’an dernier (« Y revenir » – ndlr) pour en faire des lectures. Je l’ai expérimenté en festival et ça marche plutôt bien, un truc qui serait sympa de proposer à Mythos d’ailleurs, c’est véritablement pour le coup entre la musique et la parole. Après je recherche une direction musicale et je vais continuer mes collaborations (projet d’écriture pour Daphné, Joseph d’Anvers, et le duo féminin électro Proxima notamment). En 2014, je fais un 2011 bis avec une grande période d’écriture, où je vais prendre le temps de ne faire que ça.
Tes écoutes ?
James Blake, vraiment très créatif et habité. Sinon le dernier Babx notamment.
Pour conclure, « M » pour ?
« C’est le mensonge qui dit la vérité… »