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Mythos 2014

Des bienfaits de la gentillesse

Je vous l’avouerais volontiers. J’étais épuisé en entrant dans la salle de la Péniche Spectacle. Les yeux qui rentrent dans les orbites, la démarche un brin titubante… Pas besoin de vous faire un tableau, vous connaissez ça parfaitement. J’en suis sorti tout guilleret, presque sautillant dans la rue.

Il faut dire que Xavier Merlet est un sérieux remède contre la morosité ambiante. C’est qu’il est gentil Xavier Merlet. Comme ces gentils qu’il décrit, il semble n’avoir qu’une seule envie : « être gentil et bon, tout ça envers autrui, quand bien même ils soient cons. ». Et je peux vous garantir qu’il l’a été avec nous.

En toute simplicité, parfois presque avec discrétion, avec un sourire charmeur, il nous livre de la bonne humeur, une bonne humeur enfantine, une bonne humeur facétieuse, une bonne humeur engagée, et puis délicate, aussi. Il se livre, joyeux, élégant, tantôt sur une musique entraînante, où l’on retrouve parfois quelques touches de Brel, tantôt sur une musique mélancolique, délicate. Il chante tous les tracas du quotidien, la misanthropie quotidienne. Les rendez-vous chez Mme Piochmine, la dentiste, qui préfère les gencives en éveil. Il chante les sifflements de vipères sournois, ces paroles que l’on crache discrètement, que l’on n’ose jamais dire tout haut face aux autres. Il chante la mort, les morts, l’exploitation, les petites violences d’école, l’amour, avec sa légèreté habituelle, sa douceur gentille.

Il se défend de vouloir faire nous des gentils. « J’imagine que vous l’êtes déjà… » Il nous propose l’idée d’un permis de gentillesse, à cinq points. Des points à gagner, pas à perdre. Nous sommes gentils quand même. Il nous présente comment obtenir ces points, chaque journée. Parce qu’il aimerait que ce soir, nous soyons quand  même plus gentils.

Et puis il s’en retourne jouer, sur scène. Il multiplie les grimaces avec les musiciens, leur joue des tours. Il joue avec nous, nous présente son opérette du petit chaperon rouge – moment grandiose, de théâtre, de champ d’opéra, de comédie. Il organise un débat radiophonique, sur sa nouvelle chaîne Ille-et-Vilaine.fm, en profite pour écorcher allègrement tous les politiques. Chagriné de n’avoir que sa tête sur les affiches du spectacle, il descend de scène, et va dans le public pour le prendre en photo.

Et il emporte le public avec lui, par sa douceur, sa légèreté, sa joie irrésistible. On rit – beaucoup –, on passe un excellent moment, on applaudit avec allégresse. Il joue avec les mots, avec notre quotidien, avec son corps, il envoie des fleurs, saute, grimace. Il nous emporte dans cette école buissonnière, on sèche les leçons du quotidien morose pour s’en aller jouer dans ses bois, dans son univers. Quand, à la fin du spectacle, il veut remercier ceux qui l’ont aidé à choisir cette voie, ce sont les photos du public qu’il projette.

Et quand on sort, complètement décapés, presque euphoriques, de la Péniche Spectacle, quand il faut rejoindre la terre ferme, on sort heureux, charmés.

La gentillesse, ça a du bon mine de rien.