« Quand t’as des grandes oreilles, enlève ton bonnet et t’entendra mieux la musique du monde »
P’tit Gus, c’était le surnom de Jean Louis Le Vallégant au Bourg. Ce grand homme au verbe fort et à l’émotion subtile nous raconte son histoire de musicien, de conteur qui commence dans un petit village breton. Il y était « le petit gars roux aux oreilles scotchées sous le bonnet » avec des parents bouchers qui n’acceptent pas sa passion pour la bombarde…et le pipeau…et le saxo !..« bouchés et musicien, c’était pas gagné ». Il déroule son voyage à travers lui même avec des récits du passé, du présent et toujours en fil rouge, l’ombre de ses parents…
Ce spectacle est une mise en abîme dès le début… On commence près de la Péniche Spectacle, la « Dame blanche »… Rien de funeste dans ce nom, croyez moi : dès qu’on a traversé la passerelle qui enjambe la Villaine ensoleillée, on entre dans un bateau qui sent bon le cirage. Puis on descend dans la salle, tout en coussins de velours rouges, brisures de bois, affiches de spectacle. On ressent une certaine excitation d’être dans ce lieu mystérieux, souvenir d’enfance, d’impatience devant le rideau baissé…
Et puis, Jean Louis arrive, on le retrouve. Je dis « retrouve » car il nous jouait déjà du Saxo dans la file d’attente, près de la berge… Il nous retrouve pour nous dire qu’il a peur. On se demande de quoi et puis tout de suite, ses parents… P’tit Gus, on sent qu’il a pleins de choses à dire et qu’il n’a pas pu les dire à ceux qui comptaient…On sent les peines de l’enfance, la frustration de ne pas être compris et puis un jour, il a rencontré un conteur-pédaleur qui lui a dit « Quand t’as des grandes oreilles, enlève ton bonnet et t’entendra mieux la musique du monde »…
P’tit Gus nous emmène à la rencontre de 6 (7) conteurs, étapes de parcours vers la « capacité professionnelle », étiquette nécessaire pour être un artiste reconnu par le Ministère de la Culture… Et, comme dans l’esprit de Mythos, aucun de ces conteurs et conteuses n’est ce que l’on attend : ils sont chauffeurs routiers, distributrice de prospectus, consultants, comptables. Ils sont à Marseille, le Mont St Michel, Bretagne…
P’tit Gus il a la gouaille : il imite l’accent du midi, l’accent breton, l’accent normand : il a plein de personnages dans sa tête qu’il a travaillé et qu’il ressort comme ses compagnons de récit : il ne parle pas de, il fait parler ceux qu’il raconte…
On le regarde changer d’expressions à loisir, nous évoquer ses joies et ses peines et son profond regret de ne pas avoir su se faire comprendre d’un « papa, lunettes, clope au bec, tablier rouge sang » et d’une maman qui ne parle que du temps et lui répète de ne pas faire son intéressant…
« Mais maman, faire mon intéressant, c’est devenu mon métier… »
P’tit Gus, il hurle cette incompréhension, même quand il parle bas ; il le crie par ces solos aux saxos qui nous emmène dans le monde du jazz ; il nous le donne par son sourire franc.
Jean Louis se défini comme « sonneur de saxophone et agitateur d’intérieur » : on sent qu’il a envie de secouer quelque chose en nous. La mise-en-scène sobre, où il évolue seul, avec ses instruments, tantôt sur la scène, tantôt dans le public ; sa gestuelle très rythmée et ces paroles musicale : on frôle le slam, sa poésie et sa rudesse. Tout en finesse, ce spectacle cherche vraiment à réinventer le conte. On ne sait si tout ces personnages sont réels où des avatars créés de toutes pièces. P’tit Gus les incarne tellement bien que l’on ne ressent pas le besoin de percer le mystère. Ces instruments sont présents sur scène, chacun emblématique d’une étape : la bombarde offerte à la communion, le pipeau donné par Grand Gus et le saxo confié par l’oncle communiste, chef de gare, ancien résistant et passionné des Chœurs de l’Armée rouge…
Dans cette mise en récit cathartique, chacun pourra trouver quelque chose qui lui plaît : musique, nostalgie ou humour, P’tit Gus arrive à faire mouche !