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Mythos 2025

I’m Deranged – Mina Kavani

C’est l’histoire d’une femme déchirée entre l’Iran et la France, déracinée de Téhéran, atterie à Paris. Déracinée. “I’m deranged” nous invite à effleurer le sentiment de ne se sentir chez soi nulle part.

Seule sur scène, Mina Kavani envoûte le Théâtre du Vieux Saint Étienne. Chaque silence, chaque déplacement, chaque changement de ton semble maîtrisé. Habitée par son texte, le temps d’une heure, elle nous transporte dans son histoire. Elle clame son monologue avec une fluidité impressionnante. Un texte d’une poésie tranchante, lourde de nostalgie, d’angoisse et de rancœur. Il est essentiel d’ajouter que la prestation scénique est servie par sa technicité. Entre les lumières stroboscopiques, la musique et la fumée, tous les sens sont sollicités. L’aspect épuré du décor, contrastant avec cet apport sonore et visuel, donne l’impression d’assister à un court métrage.

Dans l’atmosphère unique de l’ancienne Église Saint-Etienne, le public, tordu à l’humilité et l’empathie, accueille le récit d’une jeune fille forcée de quitter son pays natal pour vivre de son art en Occident, à Paris. En effet, I’m deranged est une pièce éminemment politique. L’artiste raconte son enfance sous la République islamique d’Iran. Elle évoque sa socialisation en tant que jeune fille, la censure de l’art et l’impossibilité de son retour après avoir joué une scène d’amour dans un film. Contre toute attente, elle clame aussi la beauté
de ce pays trop rarement mise en lumière. Un pays dans lequel la résistance existe malgré tout dans la sphère privée.

I’m deranged”, titre faisant référence à la chanson de David Bowie de 1995, aborde la question de l’identité face au déracinement, la quête de liberté et le manque éprouvé dans la fuite. Un récit qui nous ouvre les yeux, à nous, occidentaux privilégiés – à en voir la sociologie du public – sur une réalité bien différente de la nôtre. “I’m deranged” nous livre un vécu qui résonne.


✍️ Par Adèle Grosset
Photo © Laura Severi, Nico M