On la remarque de loin, la frimousse enjouée de GiédRE. Elle a délaissé les tampons qu’elle arborait dans sa chevelure sur scène (vous comprenez il fait chaud et c’est super pour absorber la sueur…). Bernard de la Villardière se fait faire des infidélités par la photo de Magnum et sa moustache dans son médaillon, bien en évidence autour du coup. Les boucles d’oreilles cerises et les robes d’enfants, elles, sont toujours là. Evidement.
On se pose à l’arrière du bus, clope électronique au bec, voilà GiédRE partie pour se dévoiler, avec toujours beaucoup d’humour, en cette fin de première journée à Mythos.
Mythos, c’est le festival des arts de la parole. Toi les mots tu adores les manier avec beaucoup de malice, et surtout en utiliser des gros, des mots ! Ils sont mieux que les autres ?
Ce qui est sûr c’est qu’à Mythos je risque un peu d’être l’arnaque de la parole, désolée ! (rire) Au niveau musical je détonne un peu, je me situe quelque part entre Supertramp et Chimen Badi… Plus sérieusement, je ne sais pas vraiment d’où vient cette idée de « gros mots ». Un jour j’ai réfléchi et je me suis dis, les gros mots ils sont pas plus gros que les autres : « cul » par exemple c’est plutôt un petit mot. Il ne faut pas les discriminer les gros mots, ils ne peuvent pas se dire tout seuls, ils leurs fallait une bouche pour le dire ! S’il y a des mots qu’on a pas le droit de dire, il fallait pas les inventer. S’ils existent c’est bien qu’on a eu besoin de nommer des choses réelles, alors pourquoi ne pas en parler ? De toute façon, les mots, petits ou gros, ne prennent sens que par la bouche de celui qui les dit et par ce qu’il choisit de mettre derrière.
A t’écouter sur scène on se rend même compte que ce sont des mots avec une grande musicalité. Au final c’est pas si dur de faire chanter les gros mots ?
On a l’impression que ces mots sont agressifs simplement à travers l’image qu’ils renvoient. J’adore chanter la sodomie, la fellation, c’est très poétique quand on écoute bien, c’est chantant. C’est aussi ça qui me plait, c’est surprendre les gens en les amenant sur des terrains nouveaux. Après la musique en elle même n’a pas d’existence propre pour moi, elle est là uniquement pour soutenir mes mots. C’est pour ça que je préfère dire que je fais de la chanson, pas de la musique.
Comment tu perçois le décalage entre ton univers enfantin et tes textes crus ?
On fait avec ce qu’on est. J’essaie de montrer dehors ce que je suis dedans. Moi ça m’ennuie de parler d’amour, je préfère parler de caca. Ce décalage je trouve qu’il est présent tous les jours autour de nous. C’est pas parce qu’il y a des panneaux « ville fleurie » sur les ronds points qu’il y a pas des gens qui crèvent et de l’inceste dans l’immeuble d’en face. Ca paraît étrange aux gens d’entendre ça dans le cadre d’un concert alors que c’est pareil au coin de la rue avec le mec qui ne peut pas traverser parce qu’il n’a pas de jambes.
Alors pourquoi la pédophilie, l’inceste, le handicap ça choque encore ?
A partir du moment où on dit les mots, on ne peut plus rien cacher, on est obligé de voir ce qui se passe et de faire quelque chose. C’est surement ça qui met mal à l’aise. Moi j’ai des yeux fonctionnels et je vois le monde qui m’entoure, je ne peux pas faire semblant.
Parler de ces sujets c’est une forme d’engagement pour toi ?
C’est sûr que si je devais m’engager ce serait pour les mots ! Mais je parle pour moi, je dis ce que j’ai envie de dire. Après ces sujets me tiennent à cœur, si j’y pensais mais que ça ne me tenait pas à cœur j’écrirais ces chansons mais je ne les chanterais pas. Je suis consciente d’avoir une certaine forme de pouvoir, celui d’avoir le droit de parler plus fort et d’être écoutée. Il y a des tas de gens qui ont des choses bien plus intéressantes que moi à dire mais qu’on écoutera jamais. Je m’en voudrais de ne pas saisir cette chance qui m’est offerte. Devant un public, je réfléchis à ce dont j’ai le plus envie de parler, et moi c’est de tout ça !
Comment tu inventes toutes ces histoires, c’est uniquement le fruit de ton imagination ou bien tu prends le temps d’observer le monde, de rencontrer les gens ?
Ce que j’aime le plus c’est regarder les gens, les écouter. J’adore essayer de comprendre comment ils font, comment ils s’en sortent. La nana de Marc Dutroux elle faisait comme moi tous les soirs, se lavait les dents, se mettait au lit. C’est ça qui me fascine, la banalité. Autant je dirai que j’ai aucun espoir en l’humanité, que je déteste, autant j’ai énormément de tendresse pour l’individu.
Avec « Mon premier album sorti dans les vrais magasins » tu conclues ta série des « premiers », tu finis ta « tournante » dans toute la France, la suite ?
La suite, c’est une nouvelle tournante ! On verra bien ce que seront mes prochains albums, il y aura de la chanson c’est tout ce dont je peux vous assurer ! Je vais essayer de me nourrir un maximum de toutes les têtes que je rencontre partout où je passe, c’est une chance inespérée.
« M » pour ?
« Moisi », mon premier nom de scène et mon mot préféré !