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Mythos 2025

Macbeth.

David Gauchard, André Markowicz et la compagnie l’Unijambiste reprennent la traditionnelle tragédie shakespearienne et lui rendent un bel hommage au festival Mythos. Portée par une direction artistique audacieuse et des interprétations puissantes, cette version de Macbeth frappe par son intensité et son originalité. Une tragédie intemporelle revisitée, traduite et modernisée avec brio, qui captive autant qu’elle trouble.

Entre théâtre, musique et effets visuels uniques, le public est transporté dans l’Ecosse du XIe siècle. Macbeth (interprété par ARM), général du roi Duncan, et son frère d’armes Banquo (Vincent Mourlon) entendent les voix de sorcières qui leur prédisent d’honorables destins. Lady Macbeth (Marina Keltchewsky), mise au courant, encourage son mari à assassiner le roi pour prendre sa place, et le couple malfaisant met son plan à exécution. Devenu roi d’Ecosse, Macbeth sombre peu à peu dans une folie meurtrière, guidé par la soif de pouvoir.

L’univers sonore joue un rôle central dans la mise en scène. Les comédiens, également musiciens, manipulent tambours, cornemuses et chants pour installer une ambiance folklorique et solennelle. Des interludes musicaux, parfois en anglais et issus du texte original, confèrent à la pièce une atmosphère incantatoire, presque rituelle, qui renforce l’étrangeté du récit. Ils permettent également de ponctuer les moments forts du drame, ajoutant une profondeur émotionnelle aux scènes clés. Plus encore, la musique forme la
colonne vertébrale de cette mise en scène contemporaine. La traduction de l’œuvre originale proposée par André Markowicz est choyée par un jeu d’acteur qui lui fait la part belle. C’est
véritablement la puissance du texte déclamé par les acteurs (malgré quelques passages difficiles il est vrai) qui nous transporte tout au long de la pièce. Ce choix artistique colle parfaitement avec la double casquette de la compagnie l’Unijambiste, et il n’y a guère de
doute que les puissantes voix de “ARM”, de Marina Keltchewsky, de Vanessa Liautey, de Vincent Mourlon, de Sophie Richelieu et de François Robinne ne viennent vous secouer jusque dans votre siège.

La mise en scène, riche et inventive, s’appuie sur de nombreux effets visuels. Un épais brouillard de fumée enveloppe parfois la scène, évoquant les landes écossaises et les apparitions fantomatiques des sorcières. Les flammes qui s’élèvent ici et là tout au long de
la pièce sont autant d’âtres qui contribuent à manifester cette ambiance de clair obsur propre aux thèmes de Macbeth, entre folie et conflits moraux, entre jour et nuit, toujours dans ce drapée arthurien qui saura trouver son écho en terre bretonne. À l’arrière-plan, un imposant mur devient tableau ou surface de projection, jouant avec la lumière, le texte et les images pour accompagner les différentes strates du récit.

Quant au jeu des acteurs, il est d’une remarquable intensité : ARM incarne un Macbeth habité, presque inquiétant, dans une interprétation physique et rageuse, tandis que Marina Keltchewsky donne à Lady Macbeth une fragilité croissante, une grandeur qui se fissure peu à peu jusqu’à la folie. Ensemble, ils forment un duo troublant, aussi fascinant qu’effrayant.

Avec cette adaptation, David Gauchard et la compagnie L’Unijambiste prouvent qu’un texte vieux de plusieurs siècles peut encore résonner puissamment aujourd’hui. En mêlant théâtre, musique live, éléments visuels contemporains et performance habitée, ils parviennent à dépoussiérer la tragédie sans jamais en trahir l’essence. Le pari de faire dialoguer Shakespeare avec les codes esthétiques d’aujourd’hui est pleinement réussi. Ce Macbeth revisité capte l’attention du public du début à la fin. Une relecture audacieuse et percutante, qui donne un souffle nouveau à un chef-d’œuvre intemporel.


✍️ Par Alix Le Houézec & Mathieu L’Amoulen
Photos © DR