Shakespeare peut reposer en paix : son œuvre n’a pas été oubliée, et on ressuscite même Macbeth à Mythos, quatre cents ans après son écriture. La magie prend toujours forme sous l’œil de David Gauchard et dans le jeu d’ARM, Marina Keltchewsky, Vanessa Liautey, Vincent Mourlon, Sophie Richelieu et François Robin (compagnie L’unijambiste).
“Elle est longue la nuit qui ne trouve jamais le jour !”
Il fait plus de vingt degrés. Alors que les passants savourent l’air chaud et suave d’un après-midi de printemps, flânant à travers la ville, je m’engouffre de mon côté dans le Théâtre National de Bretagne. Il est quasiment 16h, et la file pour aller assister au Macbeth. de David Gauchard s’étend presque en dehors du bâtiment. Je me faufile pour trouver un siège libre.
La salle est pleine à craquer et les chuchotements vont bon train lorsqu’un bruit sourd nous surprend. Un tambour, puis une cornemuse, assourdissants. L’atmosphère est posée. Les acteurs de la compagnie L’unijambiste ne nous laisseront pas reprendre notre souffle avant le salut.
“Ce que tu veux hautement, tu le veux saintement.”
Macbeth n’est plus une pièce à présenter : l’histoire du jeune noble écossais entraîné par trois malfaisantes sorcières divinatoires à l’assassinat du gracieux roi Duncan afin de devenir souverain à sa place a été interprétée et réinterprétée depuis quatre siècles ; quelle résonance alors pour le Macbeth. de Gauchard ?
La compagnie L’unijambiste adopte dans son adaptation un parti pris autour duquel toute sa mise en scène se déploie : le public saura apprécier la poésie obscure de Macbeth. à travers la sublime traduction d’André Markowicz. De fait, David Gauchard et Fabien Teigné nous réservent une scénographie sobre mais léchée, entre tenues sombres et flammes crépitantes. Vous l’aurez compris, on fait ici la part belle au texte, aux mots envoûtants, des étincelles dans la voix.
Entre musique, rythme et syntagmes enivrants, Macbeth. nous fait naviguer entre des thèmes intemporels, comme l’héritage, le temps, l’ambition face à la morale, et surtout la culpabilité et la peur d’être percé à jour. Si par moments la pièce semble s’empêtrer dans une déclamation un peu verbeuse – sans doute l’écueil de l’adaptation d’un classique ! -, cette interprétation féroce (et peut-être un peu trop frontale) retombe cependant toujours sur ses pieds, pour une salle conquise et qui ne cessait plus d’applaudir.
“Nul être né d’une femme ne pourra nuire à Macbeth.”
Un peu déboussolé, en sortant, effet cathartique étrange, je ne pouvais en vouloir à Macbeth d’avoir pu exulter dans le fait d’être roi à la place du roi, au prix de sa morale et son innocence. Une pensée m’a traversé : n’assassinons-nous pas, nous aussi, chaque jour, nos principes pour des raisons de commodité ou de paresse intellectuelle ? Au fond, Macbeth me paraît bien moderne.
“Dehors brève bougie ! La vie une ombre
Qui marche, un pauvre acteur qui se pavane
Et se démène une heure sur l’estrade,
Et puis qu’on n’entend plus […].”
✍️ Par Kilian Joussemet
Photos © DR