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Mythos 2024

Tom Na Fazenda : du cri du coeur au cri du corps

Tom Na Fazenda donne envie de crier et de se révolter, dans un corps à corps déchaîné dont personne ne sort indemne.

C’est sur une scène recouverte de boue et éclairée par une simple ampoule que se tisse ce drame familial, rural, d’une famille meurtrie en plein deuil. Ce deuil, c’est celui de l’ex-amant de Tom, dont l’homosexualité a été – et doit rester- cachée, secrète, quoiqu’il en coûte, pour ne pas effrayer la mère, déjà endeuillée. C’est ainsi un tissu de mensonges qui va se broder peu à peu dans cette ferme où Tom va devoir apprendre à vivre avec l’homophobie de la famille de son ex-amant. Tout cacher, tout inventer, ne rien laisser paraître, oublier ce qu’il a été et ce qu’il est, sont les règles pour en sortir intact, en vie et sans cicatrices.

L’impossible évocation de l’homosexualité du défunt donne ainsi à Tom l’obligation de s’emmêler dans des mensonges tous plus absurdes les uns que les autres, ajoutant du burlesque au drame, qui n’en devient que plus dramatique. A travers les rires provoqués, le spectateur n’éprouve que mieux l’absurdité révélée par la situation initiale, d’autant plus quand on connaît le contexte brésilien qui se distingue à la fois par le plus grand nombre de marche des fiertés organisées au monde et par le plus gros taux d’homicides contre les personnes homosexuelles au monde.

L’adaptation de la pièce par Rodrigo Portella, originellement écrite par Michel Marc Bouchard, est magistrale. À la fois cri de violence et cri d’amour, le cri est partout, dans chaque geste, dans chaque phrase. Le jeu est ainsi extrêmement bien mené et on ne sait plus si Tom nous parle, si Tom se parle où si Tom parle à son amant défunt. La scène devient un champ de bataille où violence et sensualité se mélangent, dans un capharnaüm de relations humaines, qui réinterroge la (les?) masculinité(s).

Histoire de famille, histoire de haine mais aussi histoire d’amour et de deuil, Tom Na Fazenda touche, Tom Na Fazenda interroge et Tom Na Fazenda révolte.

✍️ Marie-Selma Sayegrih
Photos © Magalie R