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Mythos 2014

« On vit avec un étranger à l’intérieur »

Le public s’installe, sous le regard paisible de la jeune femme assise sur la seule chaise présente sur scène. Elle attend patiemment que les conversations et les chuchotements cessent pour raconter son histoire. Émilie Incerti Formentini incarne à la perfection une jeune femme psychologiquement instable. L’interprétation est incroyable, et semble naturelle : elle est la jeune femme de l’histoire.

Elle fait ressentir l’instabilité psychologique du personnage au public. Les pensées fusent, tout comme les mots. La jeune femme se perd dans ses pensées, dans ce qu’elle veut raconter. Elle change brusquement de sujet avant d’avoir fini d’en parler, revient dessus, et ne se rend parfois pas compte qu’elle répète certains éléments. Le spectateur voit l’évolution de sa maladie, on sent que cela s’aggrave. Au fur et à mesure du spectacle, les répétitions se font plus récurrentes, elle demande souvent quel jour on est. Le public perçoit et voit de façon flagrante les sautes d’humeur plus que rapides, la jeune femme passant facilement du rire aux larmes, et inversement. Tout ce travail d’interprétation plus que crédible renforce le lien avec le public dans ce monologue.

La jeune femme étudie elle-même sa maladie, elle connaît chaque médicament et pense pouvoir les gérer par elle-même. En même temps, derrière ses expériences médicales, on retrouve des sujets de fond, des préoccupations qu’une femme connait de manière générale. Ses histoires de couple, le fait ou non d’avoir un enfant, ses relations avec sa famille, le travail.

Il s’agit d’un spectacle très prenant, et qui invite à réfléchir. C’est avant tout une réflexion sur soi, et sur l’instabilité mentale. Le personnage invite clairement à réfléchir sur ce que cela signifie de se connaître. Pour elle, on ne se connaît jamais vraiment, on se découvre toujours. « On vit avec un étranger à l’intérieur ».

Face à cela, le spectateur hésite à réagir au récit de la jeune femme. Le personnage trouve des éléments de son histoire drôles, mais le public hésite à rire.

On apprécie la participation scénique du metteur en scène Guillaume Vincent. La pièce est inspirée de ses rencontres avec une jeune femme malade, qui lui ont inspiré le titre. C’est un spectacle que je conseille vivement, en particulier pour la performance de l’actrice.