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Mythos 2014

Vincent Delerm ouvre le bal

Ce soir avait lieu la soirée d’ouverture du festival Mythos 2014. C’est Vincent Delerm qui a ouvert le bal à l’Opéra de Rennes.

Et le moins que l’on puisse dire c’est que ce fut une ouverture en beauté. Dans l’écrin de l’Opéra, Vincent Delerm nous a transportés avec lui. Le concert commence d’une manière originale et décalée qui en dit déjà long sur l’autodérision de cet artiste. La première partie du concert, où il présente son nouvel album, dure 30 minutes – bon disons 35, rassure-t-il. Et puis cela démarre, on voyage, ou bien justement on reste au chaud, dans un fauteuil, c’est sur ce fil que se racontent les histoires, sur le ton de la confidence. C’est un homme qui aime parler à l’oreille du public, et qui avec malice se dévoile petit à petit.

Tout en subtilité, c’est le parti pris des choses insignifiantes de la vie. Ce qui rend le quotidien si prévisible, routinier et pourtant si extraordinaire. Tout cela conté sur un fond musical parfaitement maîtrisé et vif.

C’est une atmosphère poétique, presque à la Amélie Poulain, qui s’échappe de la prose très travaillée de cet artiste. La littérature est omniprésente dans chacune de ses chansons, on y recherche la page 27, on y lit le 4e de couverture d’un polar, ou bien l’on s’enfuit avant la fin d’un monologue Shakespearien.

Mais alors quel public pour cette ouverture ? Dans l’opéra, les applaudissements sont au début très timides, en effet, si certains sont des amateurs de la première heure, qui connaissent les anciennes chansons, dans la 2e partie du concert ; pour beaucoup c’est une découverte, et l’entrée dans cet univers de pluie et de poésie est surprenant. Et puis peu à peu, une complicité naît entre l’artiste et son public, et il accomplit l’exploit de faire chanter dans une salle d’Opéra, ce qui est assez remarquable, vous en conviendrez. Pour les plus connaisseurs, il reprend ses meilleures chansons, qui sont teintées d’une certaine nostalgie, puisqu’il le confesse lui-même en racontant des anecdotes de ses débuts, « c’était il y a bien longtemps ».

Mais ce qui est le plus impressionnant est la réaction de ceux qui venaient découvrir, et qui pour beaucoup sont agréablement surpris.

« Vincent Delerm à l’opéra de Rennes, c’était pour moi une découverte totale. La découverte du lieu, dans un premier temps. Le lieu est majestueux, mais on s’y sent chez soi : il suffit de lever la tête pour que des paysans bretons nous sourient. Mais l’enchantement a réellement commencé quand les lumières se sont éteintes. Une main timide glisse des mots sur un rétro-projecteur ; avec malice, nous prévient en s’excusant presque que « Les amants parallèles » dureront 30 minutes – ou bien 35. Ensuite, ce sera les « chansons normales ». Le public rit, et la mélodie commence.
A quatre mains, dont deux fantômes, l’artiste joue du piano à queue en nous contant une histoire, accompagné par un piano magique. Cette histoire, c’est celle de la mélancolie des jours d’amours, cette tendresse qui vous enveloppe comme un petit nuage. Cette histoire, on l’a tous un peu vécue, même les bouchons en revenant de Deauville. Derrière lui, des ombres dansent un tango maladroit, un rock complice, sur des notes de piano tantôt majestueuses, tantôt enivrantes. Mais l’artiste ne transmet pas qu’une émotion ; il nous fait rire aussi, quand il nous parle de son expérience de la pelote basque version tennis de table, de ses rencontres pluvieuses à Aix-en-Provence, et d’autres anecdotes qu’il faudrait qu’il vous raconte. C’est vrai que les concerts piano-interprète sont propices pour parler à l’oreille du public. C’était pour moi une nouveauté, et j’ai pu constater que l’artiste avait vu juste: « les débuts sont toujours touchants ». Revisitées par la poésie de Vincent Delerm, nos histoires d’amour semblent bien les mêmes ; « comme si nous avions pratiqué la natation synchronisée, dans des piscines parallèles ». »

Et cet article mérite de se terminer par la jolie phrase qui a conclut l’heure et demie de concert de ce soir d’ouverture :

« Merci pour la belle soirée. »

Manon & Claire