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Mythos 2019

Delgres, trio caribéen brûlant

Ce mardi, le trio de blues rocké aux accents créoles nous a transporté au croisement musical d’une Histoire portée par des milliers et de l’histoire portée par chacun.

Amalgamant questionnements politiques, historiques, une vie personnelle et familiale bien remplie, Delgres nous a entraîné mardi soir bien loin du Cabaret Botanique. Le trio musical composé de Pascal Danaë au chant et à la guitare, du batteur Baptiste Brondy et du joueur de sousaphone Rafgee, vogue de rythmes rock et blues à des sonorités créoles, le tout sur une basse chaleureuse que nos entrailles ont plus senti que nos tympans.

Blues dans le cœur, rock aux oreilles

Le blues est un répertoire tout choisi pour un groupe à la croisée des chemins musicaux et géographiques comme l’est son chanteur et guitariste. Transcription musicale des émotions de toute une partie du monde marquée par le déracinement et la conquête d’une identité, le blues se caractérise habituellement par l’expression de ressentis bruts via des notes infléchies qui hérissent les poils. L’itinérance de la carrière de Pascal Danaë semble trouver son aboutissement dans ce style musical et la langue créole souvent choisie pour les paroles sert un message tantôt personnel, tantôt politique. Ce n’est pas non plus un hasard si Delgres reprend le nom du héros qui porte la révolution guadeloupéenne alors que Napoléon tente de rétablir l’esclavage dans les colonies en 1802. Ce décret vaudra l’exil de milliers de guadeloupéens vers la Louisiane, berceau… du blues. Pour en revenir au concert de ce mardi, c’est bien une basse très percutante aidée par des riffs de guitare abrasifs qui fait que le blues devient rock chez Delgres.

De l’importance de la formation

Mais quel est donc cet immense cuivre porté à l’épaule qui enserre le corps du musicien, dont les sons ressemblent étrangement à une basse électrique, la chaleur d’un vent en plus ? Il s’agit d’un sousaphone, tuba basse (plus grave et autrement imposant que le classique). Particulièrement apprécié dans les orchestres de jazz américain – à en croire le web mondial – il remplace ici avec brio la basse électrique qu’on peut croiser dans des formations plus rock ou encore la contrebasse des jazzmen. La tessiture du cuivre n’a pas éloigné la ligne de basse du chant grâce à la rondeur du son de l’imposant instrument. Tout ça avec un rythme bien senti. On saluera d’ailleurs les performances en solo de Baptiste Brondy aux percussions et de Rafgee aux cuivres.

Le seul regret de ce concert est son horaire. 18h, peut-être un peu trop tôt pour que les corps de tous puissent se mouvoir librement. Dans l’ensemble, si pour citer une des chansons les plus récentes de Delgres « On ne peut pas vivre sur la route toute la vie », le public breton est bien content que le trio soit arrivé jusqu’à Rennes.

Maude Bourgalet / © Philippe Remond