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Mythos 2016

Embrasser un peu mieux le monde avec Fantazio : Histoire intime d’Elephant man

Fantazio accomplit une performance d’acteur à couper le souffle avec Histoire intime d’Elephant man, un spectacle qui n’en n’est pas un, qui vous extrait de votre univers habituel pour vous plonger dans les méandres de l’esprit d’un Elephant man à la psychologie torturée. Fantazio, seul sur scène, s’interroge et interroge le monde, soulevant des questions essentielles que pourtant nous ne posons pas. Patrice Jouffroy, à propos de l’Histoire intime d’Elephant man, affirme à juste titre que “le propos était aussi de parler de la vie, et des cases dans lesquelles on veut toujours cadrer les choses. Ce besoin infernal de toujours ranger et de classer. Et qui d’autre qu’un perpétuel improvisateur philosophe peut-il mieux jongler avec ce sujet ?”. C’est cela le fil rouge du spectacle : le morcellement, la séparation, en lamelles, du monde physique et du temps, comme pour mieux les maîtriser. Fantazio nous livre un pamphlet parfois abstrait, mais dont la portée philosophique se fait aussi profonde que réelle. La violence des imagiers, les anémones de mer, les relations humaines, les cinq sens, les Caraïbes, les mails, l’homme éléphant, autant de sujets aussi divers qu’impromptus qui passent par l’esprit et la parole de Fantazio, qui parvient à les mêler avec une force et une grâce poétique incroyable. On est comme suspendu à ses paroles, simultanément tout fait sens et rien ne fait sens, l’ensemble créant un absurde délicieusement maîtrisé, dans lequel on a plaisir à se perdre. Les phrases s’enchaînent, parfois en chanson, souvent elles restent suspendues dans le temps, sans réponse. Fantazio se dévoile, se met à nu, dans une profondeur parfois violente, qui touche à l’intime. Une performance unique, qui dévoile la parole et la révèle non pas dans une optique conventionnelle ou convenable, mais dans ce qu’elle a de plus éblouissant, sincère. Ainsi, par un tour de magie insaisisable, Fantazio parvient, comme il le dit, à « embrasser un peu mieux le monde ».

Enna Le Biavant
Visuel © Nicolas Joubard