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Mythos 2013 Texte

François Lavallée « Qui es-tu ? »

Un carré blanc de neige, une chaise, au milieu d’une scène plongée dans les ténèbres. Des pas, qui descendent le long de la salle, dans ce théâtre de la Parcheminerie. Une voix qui s’élève, celle de François Lavallée, qui nous parle de son Québec, de son enfance. Il nous raconte le chaud, le froid. Les ballades en « bicic », les « toasts de beurre de peanut ». Il nous raconte l’hiver canadien, la neige qui tombe en bourrasques. La neige qui tourbillonne, le froid qui vous mord, vous déchire les joues, le goût des flocons qui fondent sur la langue. Lui tournoie sur la neige, s’exclame : « Je fais l’hiver buissonnier ! » Nous sommes là, nous, assis sur nos sièges, dans une salle surchauffée. Nous regardons cet homme courbé qui virevolte, nous entendons des mots, des sons, qui ne nous sont pas familiers. Alors on rechigne un peu à entrer dans cet univers-là, qui nous semble totalement étranger. Mais finalement, alors même qu’on n’y fait pas attention…

Ca y est, nous sommes avec lui, nous sommes dans cette cour de récréation, noyée sous la neige. Nous redevenons gamins. Nous sommes là, dans le froid d’hiver, avec Pierre, Julie, François et les autres. Il y a Martin, aussi. Martin qui est différent, avec ses bras trop long et ses grands yeux bleus. Martin qui ne parle jamais, que les autres rejettent. Martin qui aimerait escalader ce tas de neige dans la cour, ce mont Everest. Pour se rapprocher du ciel. Mais Pierre est là-haut, Pierre aux yeux qui commandent.  Martin dégringole, est traîné jusqu’à la grotte. Au cachot.

François Lavallée nous parle du rejet, des moqueries des enfants, de cette cruauté dont seuls les enfants sont capables. Il nous parle aussi de mains tendues, timidement. D’une amitié secrète, aussi délicate qu’un flocon de neige. Nous sommes emportés dans cet univers fragile, un univers d’hiver, et de violence. Cette violence diffuse, symbolique, qui nous marque à chaque rupture du texte. Cette violence intolérable, qui nous broie le ventre, nous noue la gorge. Il nous parle de ce déchirement, entre l’amitié, et les autres, « ceux qui me font penser comme les autres, ceux qui me font agir comme les autres. ». L’incompréhension, la compréhension, la compassion se mêlent, nous bouleversent. Et alors que le drame se referme, alors que les larmes perlent à nos yeux, il nous pose cette question, celle que Martin n’avait pas réussi à poser : « Qui es-tu ? ».

Sous une salve d’applaudissements qui ne semble pas vouloir s’arrêter, l’artiste attend. Il aimerait dire un dernier mot. Il appelle Eric Valiquette à le rejoindre sur scène, celui qui a écrit et mis en scène le texte. Il remercie les techniciens, tous les bénévoles et Mythos. « Mythos, celui qui plante la fleur au milieu du chemin. »