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Mythos 2013 Texte

Gilles mis en pièce(s)

Parce que Gilles est un poème. Parce Gilles est un personnage. Parce que je ne connais même pas son nom de famille. Parce qu’il le mérite. J’ai décidé de le mettre en scène. (Tous les propos sont déformés comme dans tout souvenir brumeux qui se doit.)

 

Acte unique

Scène 1

La scène se déroule au parc du Thabor, sur la terrasse de Mythos, entre les deux Magics Mirrors imposants. Il est 11h30. Le ciel est bleu, le soleil brille. Quelques passants matinaux se promènent sur les chemins alentours. Les bénévoles s’activent. Un jeune homme se prélasse sur un banc, il semble attendre quelque chose. L’Homme surgit. Le jeune homme se redresse.

GILLES (s’arrête dans son élan, le regarde) : Ah oui, c’est vrai l’interview ! Désolé tout de suite j’ai un run, après ça va ?

JE : Oui, pas de soucis. Je n’ai rien à faire, le soleil brille. (il sourit)

(Gilles s’en va. L’autre reste, relève la tête vers le soleil. Profite.)

 

Scène 2

(Gilles revient. L’autre se redresse.)

GILLES : C’est bon ? On s’y met ?

JE : C’est parti. (Il sort son bloc et son stylo) Depuis combien de temps êtes-vous bénévole ?

GILLES : Je suis bénévole depuis 5 ans. La première année, j’étais à la billetterie à la Parcheminerie et depuis 4 ans, je fais des runs.

JE : Qu’est-ce-qui vous a donné envie de changer ?

GILLES : J’aime bien rouler et je suis un vieux Rennais. (sourire) Et surtout, j’avais envie de découvrir, d’être au cœur du festival, d’avoir un contact avec les artistes.

JE : Et vous arrivez à vraiment échanger avec les artistes ?

GILLES : Non, on n’a pas de longues discussions. Un run, c’est 10mn tout au plus, ou une demi-heure quand tu vas à l’Aire Libre avec la circulation. (sourire entendu)

(Marque une pause)

Mais j’aime bien ces petits moments, ces micro-moments sympathiques. On a une vraie qualité dans les échanges.

JE : Des sortes de petites perles ?

GILLES : Oui, c’est ça.

(Moment de silence. Jouissent des rayons de soleil.)  

JE : La question que tout le monde se pose … (se reprend) Enfin, presque : vous avez des anecdotes, des petites phrases à nous livrer ?

GILLES (Pensif. Le regard dans le vague. Remonte le temps.) : Des anecdotes… L’année dernière avec Jean-Louis Murrat. Je le raccompagnais à la gare et il y avait des travaux. Il me demande ce que c’est. Je lui explique que c’est le projet de l’EuroRennes. Il dit alors : « Mais pourquoi mettre de grandes tours de béton, on devrait mettre des pelouses ! ».

JE : Il y a des artistes avec qui vous avez une relation particulière ? Vos petits chouchous ?

GILLES : Plutôt des conteurs, comme par exemple Pépito Mattéo ou Mathieu Barrette. J’aime bien échanger avec eux. On discute de la différence entre la culture française et québécoise.

 

Scène 3

(Des bénévoles arrivent sur la terrasse, un verre à la main. S’assoient à la même table.)

UNE BENEVOLE : Alors, comment ça va Gilles ?

GILLES (ton plaisantin): Attends, je me fais interviewé là !

UNE BENEVOLE : Oh ! Il ne faut pas déranger Môssieur ! (mine boudeuse, rieuse)

JE : Il y a des gens que vous retrouvez souvent, non ? Vous tissez des liens spécifiques avec eux ?

GILLES : Oui, ce sont souvent des conteurs qui reviennent, comme par exemple Pépito Mattéo. On se retrouve et on prend des nouvelles, on se demande « Alors qu’est-ce-que tu deviens ? ».

JE : Justement vous voyez une différence entre les conteurs et les musiciens ?

GILLES : Oui, les conteurs sont plus ouverts. Les musiciens sont plus … (cherche le mot)

JE : Plus dans la retenue ?

GILLES : Oui, c’est ça.

JE : Mais les conteurs sont aussi dans leur bulle, non ?

GILLES : Oui, mais c’est différent, ils ne sont pas comme les musiciens. Ils sont dans leur monde mais ils sont ouverts.

JE : Ils se nourrissent des autres.

GILLES : Oui. Mais c’est vrai qu’en même temps, on pourrait dire que l’inspiration du musicien vient aussi de quelque part. (pause) Je ne sais pas. C’est une impression.

JE : Vous aimez ce contact ?

GILLES : J’ai le goût des autres. Ce n’est pas de la curiosité. (il goûte les mots) Non, j’ai le goût des autres.

JE : Vous voyez une différence entre un artiste que vous amenez et un artiste qui sort de son spectacle ?

GILLES : Je ne raccompagne pas les musiciens après leur spectacle au Cabaret Botanique. Les conteurs dans l’après-midi. (Éclair de mémoire. S’anime.) Ah oui, une anecdote ! J’ai accompagné François Lavallée à Guy Ropartz, tu sais, pour les rendez-vous sous la couette. Quand il est sorti, il était encore dans son monde.

JE : Entre deux mondes ?

GILLES : Oui, je le comprends. Je fais moi-même du théâtre. Amateur. (Sourire en coin) Quand on a fini une pièce, tu es soulagé. La pression retombe. (Baisse les épaules)

JE : Mais l’échange se crée quand même sur un temps aussi cours ?

GILLES : Oui, souvent plus avec les conteurs.

JE : Comment l’expliquez-vous ?

GILLES : Je pense que les musiciens sont plus individualistes. Ce n’est pas péjoratif. Tu vois, les conteurs, les théâtreux sont habitués à travailler en équipe, dans une compagnie. Alors que les musiciens moins. Tu vois, il y a le chanteur et les autres. Enfin, tu vois.

JE (regard espiègle) : Et vous rencontrez ces célébrités… Ça vous fait quelque chose de les côtoyer ?

GILLES : Oui, c’est le côté agréable du job. Par exemple, des fois quand on a un run, on s’arrange. (Ton de la plaisanterie) « Oh moi, je voudrais bien celui-là ! » Et ça permet de connaître vraiment les artistes. Par exemple, l’année dernière, je me suis rendu compte que Cali est quelqu’un de très accessible.

JE : Mais le contact se fait vraiment avec l’artiste ?

GILLES : Bah, c’est souvent le régisseur qui se place à côté de moi, ensuite il y a l’équipe et au fond, l’artiste. Mais dès fois, c’est différent. Par exemple, avec Jean-Louis Murrat, il s’est placé juste à côté de moi et tu vois, c’est quelqu’un d’abrupt. Alors, moi j’aime bien. Je me suis dit : il faut que je le l’ai, que je le titille. (sourire)

JE : Qu’est-ce-qui vous a poussé à devenir bénévole ?

GILLES : Je suis à la retraite et parmi mes boulots, j’ai été animateur culturel. J’aime bien l’ambiance festival. Je connais bien, j’ai organisé un festival de folk dans le Finistère. Je suis aussi bénévole au festival Travelling, en janvier.

JE : Vous connaissiez depuis longtemps Mythos puisque vous êtes un vieux Rennais ?

GILLES : Oui, depuis 17 ans !

JE : Et vous arrivez à voir des spectacles quand même ?

GILLES : Oui, j’en ai vu deux cette année.

JE : Et ça ne vous dérange pas d’attendre entre chaque spectacle ?

GILLES : Ah non, moi ça ne me dérange pas. Je discute avec les bénévoles, il y en a qu’on retrouve chaque année. (Sourire, il en désigne un à côté.)

JE : Vous aimez cette ambiance de communauté ?

GILLES : Oui, j’aime bien. On se retrouve tous ensemble.

JE : Et si le monde de la musique vous est familier, que pensez-vous du conte ?

GILLES : J’aime beaucoup. Je l’ai découvert avec Mythos. J’essaierai de voir plus de conteurs l’année prochaine. Il y a beaucoup à découvrir.

JE : Et donc, ces conteurs vous les aimez bien ?

GILLES  : Oui. Dans l’ordre ce sont : (à chaque fois, il énumère avec des gestes, en décalant sa main) les conteurs, les théâtreux, les musicos, les artistes.

JE : Bref, vous aimez ces petits moments ? En fait, ce sont peut-être les plus révélateurs des artistes ?

GILLES : Oui, ce sont des petits moments. Des moments courts mais denses.

JE (regarde ses notes) : J’ai pas pris beaucoup de notes mais tout est là-dedans. (il désigne sa tête) Je pense que j’ai de quoi faire ! (rires) Merci encore. Une photo ?

(Un appareil est prêté amicalement par les bénévoles d’à côté)

UNE BENEVOLE : Alors t’as fini ?

GILLES : Oui.

UNE AUTRE BENEVOLE (les regrets sonnent dans sa voix) : On se revoit quand ?

GILLES : L’année prochaine et je suis sur le festival Travelling en janvier.

UNE BENEVOLE : On se fait la bise ?

(Ils s’embrassent. Au revoir entre les bénévoles.)

UN BENEVOLE : C’est pour quoi l’interview ?

JE : Pour le blog officiel.

UN BENEVOLE : On peut le trouver où ? Il y a une adresse ?

JE : Sur le site, vous avez un lien. Je vous la donne. (il lui donne)

GILLES : Salut ! (ils se serrent la main)

JE : Bon prochain run ! (Gilles s’éloigne. Signe de la main, sourire aux lèvres.)

UNE BENEVOLE : Bon, c’est pas tout ça mais il y a l’air d’avoir du monde !

JE (souriant): Les ventres commencent à gargouiller.

(Les bénévoles retournent travailler.)

JE (seul sur scène) : Alors voilà, mon interview avec Gilles. Un bénévole parmi d’autres. Un Homme parmi d’autres. Un échange pas comme les autres. Je le remercie pour le temps qu’il m’a accordé. En espérant qu’il ne soit pas trop déçu et outré par cette retranscription. J’espérais des anecdotes, j’ai eu mieux. Beaucoup mieux.

 

Rideau