Qu’est-ce qui t’a vraiment donné envie de commencer la musique ?
Il y a eu deux choses. Déjà le fait que mes parents m’aient poussé depuis tout petit à faire de la musique. Donc je jouais déjà dans des groupes mais il y a eu ensuite le passage à la musique électronique. C’est vraiment le fait de créer, de pouvoir raconter des émotions qui m’a donné envie de me mettre à la musique.
Comment t’est venue l’idée de proposer le projet Transsiberian ?
L’idée de base c’était de ne pas s’enfermer dans un studio. Du coup, j’ai commencé à réfléchir aux meilleures conditions pour composer et il s’est avéré que quand je suis en voyage je vis des choses, qui amènent alors une nécessité de raconter. De plus, dans le train qui fait un cocon, avec le paysage qui défile – surtout dans le Transsiberian qui va à 90 km/heure – tu as le temps de t’inspirer, de rencontrer des gens. Au début, je pensais pas forcément que ça se passerait aussi bien, je pensais éventuellement faire un EP avec 6 morceaux. Mais finalement, grâce aux personnes que j’ai rencontrées – qui ont des vies totalement différentes de la mienne – et à celles qui m’ont aidé à porter le projet, j’ai pu faire un projet plus global avec également des images.
Es-tu retourné voir les personnes que tu avais rencontrées là-bas ?
Je leur avais promis, donc je suis retourné là-bas avec plein de CD pour leur faire écouter le rendu de l’album – notamment dans le lieu où j’ai enregistré les voix qui ont servi à faire Belobezvodnoe, qui est une petite salle des fêtes dans un petit village. C’est un échange, donc c’est normal que ça aille dans les deux sens.
Et ont-ils ont aimé le résultat ?
Ils ont aimé, même si forcément c’était un choc des cultures assez fou. Mais ils étaient contents de voir notamment que leur petit village a été mis en avant d’une manière totalement incongrue.
Après avoir monté un projet aussi ambitieux que Transsiberian, préfèreras-tu repartir sur un projet similaire ou te sentiras-tu prêt à revenir en studio ?
Maintenant c’est plus possible pour moi de revenir en studio. À la base l’idée de Transsiberian c’était de voir si ça allait marcher. Et moi j’ai adoré composer dans ce contexte là, dans une sorte d’exil musical. En plus, j’ai eu la chance d’avoir un public qui m’a totalement suivi dans cette aventure, ça me montre qu’il y a des gens qui sont prêts à ce rapport là à la musique, à un truc un peu plus poussé. Donc je ne vois pas pourquoi je reviendrais au studio, à part peut-être le fait que ça prenne beaucoup de temps et que c’est plus compliqué qu’un album studio.
As-tu une anecdote sur un morceau de l’album ?
Poly – C’est le seul morceau qui n’utilise pas des voix enregistrées mais un album que j’ai découvert là-bas : le Mystère des voix bulgares, qui est une sorte de polyphonie extrêmement belle, que j’ai donc réutilisée.
Penses-tu rester dans cette optique transmedia, que ce soit concernant les clips, les concerts ou comme avec le documentaire que tu as également fait pendant ton voyage ?
À la base quand j’ai créé Thylacine – quand j’étais aux Beaux Arts – c’était ça le but : rentrer dans un processus de création et de réalisation. Si je ne faisais que de la musique je m’ennuierais un peu. Au contraire j’ai envie d’aller encore plus loin dans ce rapport un peu transmedia, pour explorer toutes les interactions qu’il peut y avoir entre image et musique.
Le processus de création semble essentiel pour toi. Préfères-tu plutôt composer ou faire des live – qui te permettent aussi de voyager et de rencontrer ton public ?
C’est un équilibre. La tournée c’est quelque chose de très jouissif et très communicatif. Mais la composition c’est peut-être un peu plus riche, personnel donc plus profond. Je pense que si je devais choisir ce serait la composition parce que je ne pourrais pas délaisser ça. Mais en même temps j’adore le live, c’est pour ça que j’en fais autant : j’adore ce mode d’expression. C’est toujours différent parce qu’il n’y a rien de trop écrit. Des fois quand je réécoute les morceaux enregistrés je ne les reconnais plus parce que j’aime bien justement pousser le live jusqu’au bout, en improvisant beaucoup. Pour moi c’est vraiment différent la composition et le live, parce qu’il faut vraiment repenser les morceaux.
Thylacine, cela vient du Diable de Tasmanie. Mais c’est un peu étrange parce que d’un côté il est éteint alors que toi tu progresses, et il y a une image un peu violente alors que ta musique est plutôt mélodieuse. Pourquoi ce choix ?
Déjà c’était le rapport aux mots qui m’intéressait. Et ensuite le fait de continuer à faire vivre un mot qui est oublié car on n’a plus de raison d’en parler. Donc c’était pour lui donner une deuxième vie, sans créer un nom d’artiste qui ne veuille rien dire.
Quelles impressions as-tu eues concernant Rennes ?
Le concert à Rennes que j’ai fait en décembre dernier fait vraiment partie d’un très bon souvenir de la tournée. Notamment parce qu’il y a vraiment une interaction intéressante avec le public – même si je ne dis pas qu’il n’y a qu’à Rennes qu’il y a ça mais ça fait partie des villes où c’est hyper agréable de jouer.
As-tu déjà des projets pour les prochains mois ?
Déjà je prépare l’Olympia, qui va être notre gros concert de fin de tournée. Parce que, après deux ans à tourner sur Transsyberian, j’ai décidé d’arrêter après l’été. Mais, même si je ne peux pas en dire beaucoup plus maintenant parce que je garde le secret sur mes prochains projets, j’ai besoin de recommencer à bouger et de composer.
Un morceau pour débuter un set ?
Kiasmos – et plus particulièrement l’album Lit
Un morceau que tu as toujours aimé et dont tu ne te lasseras jamais ?
Dominik Eulberg – Sansula (Max Cooper Remix)
Une découverte récente que tu aimerais partager ?
Jaffna – Here me out (un morceau que j’ai sorti récemment sur mon label)
Une collaboration rêvée, un projet fantasmé ?
En fait, justement j’aime bien que mes collaborations soient un peu incongrues. Après il y a des voix que je trouve géniales – j’avais essayé par exemple de bosser avec la voix de la chanteuse d’un groupe américain qui s’appelle Hundred Waters. Par contre je ne ferai pas de collaboration avec Superpoze ou Fakear parce qu’on ne s’apporterait rien, finalement.
Photo © Loewen photographie