Benoit Hattet incarne un héros qui vieillit, et ce n’est pas facile. Le Baron Karl Friedrich Hieronymus Freiherr von Münchhausen est un des plus célèbres héros de la littérature allemande du XVIIIème siècle.. Ces exploits rocambolesques lors de ces campagnes de la guerre de Crimée ont été contés et réécrits de nombreuses fois, le transformant en légende.
Seulement, ce n’est pas une gravure sur une couverture ou une éphémère allégorie que nous avons devant nous sur cette scène sombre : c’est un ancien soldat, traumatisé par la guerre, perclus de rhumatismes et de regrets, misogyne, aigri, seul…Il s’éveille seul dans un environnement médical : est ce un hôpital ? Un asile ? Sa propre tête ? Personne ne lui répond, ne vient le voir… A part ses fantômes…
Incarnés par un comédien aux multiples facettes, nous voyons tour à tour la mère du héros, aigrie, haineuse, qui lui annonce qu’il n’est qu’un bâtard… Puis, le jeune Münchhausen, ivre, essayant d’éblouir les femmes par de pitoyables histoires qui ne sont en fait … que les contes racontés dans les livres ! Ces histoires célèbres, réécrites dans des livres et en toutes les langues que les éditeurs lui envoie, sont les élucubrations d’un homme ivre et vantard, qui veut tromper sa déprime par une façade brillante ! La légende tournée en dérision… Le vieil homme semble s’irriter de ces méprises tout en s’y raccrochant comme une forme d’immortalité : « Il n’y a que Münchhausen pour être immortel ».
Les flash-backs sont nombreux: nous comprenons que nous sommes dans la tête de Münchhausen qui fait le bilan de sa vie. La confrontation de sa légende avec la réalité se manifeste par un cynisme désespéré et une critique de la mondanité et de l’insouciance de la noblesse de l’époque. Même jeune, Münchhausen n’était pas à sa place dans un monde qui ne voulait pas entendre les horreurs de la guerre.. Alors, « [il est] en plein rangement, [il fait] du tri, [il]débarrasse » jusqu’à l’ultime fantôme, sa première femme, Jacobine, qui l’a quitté et pour qui son cœur veut encore battre…dans l’autre monde.
L’émotion des dernières minutes, où Münchhausen nous fait comprendre que son seul vrai choix sera sa mort nous évoque la solitude et le mépris social pour la vieillesse : un héros qui vieillit, c’est un héros diminué, incapable de tenir sa légende. Benoit Hattet nous dit qu’un héros qui vieillit c’est avant tout un être qui veut retrouver le contrôle du récit de sa vie, du début…à la fin.
Très beau et surprenant.