Il est un peu plus d’une heure du matin quand un léger frisson parcourt la foule amassée devant la scène intimiste du Cabaret Botanique. La lumière se fait peu à peu diffuse et la chaleur nocturne, nourrie des prestations successives de The Pirouettes et The Limiñanas, contribue à la création d’une atmosphère toute particulière, oscillant tour à tour entre impatience, provoquée par l’imminence du concert, et décontraction, autant suscitée par la proximité des amis que de la boisson. L’installation des derniers éléments de la scène ne laisse alors plus de place au doute : le live de Thylacine, alias William Rezé, est pour bientôt !
Et, en effet, face à un public toujours plus fourni au fil des minutes, l’Angevin multi-instrumentiste fait son entrée pour entamer un live où électro et sonorités russes, tirées de son album-projet Transsiberian, se confondront pour former un tout d’une originalité sans pareil. Progressivement, à la manière de l’animal auquel il a redonné une seconde vie, Thylacine apprivoise son environnement autant que son public, déjà transporté par les compositions graphiques de sa complice des Beaux-Arts Laetitia Bely. Dans l’écrin qu’est le Cabaret Botanique, l’univers sonore unique du jeune producteur se construit ainsi peu à peu, au grès de subtiles fluctuations que viennent transfigurer les notes de son saxophone. Car Thylacine c’est aussi la liberté du live, celle que ni le Conservatoire ni les studios n’ont pu lui procurer et qu’il est allé chercher jusqu’à Vladivostok. Une liberté poussée à son paroxysme tant le plaisir qu’il met à continuellement sublimer ses compositions par l’improvisation est visible. Plaisir qui, vous l’aurez compris, est partagé par un public complètement dépaysé par ce voyage aussi musical que visuel.
Au rythme des rails de la ligne légendaire du Transsibérien, le talentueux beatmaker aura donc, pendant plus de deux heures, rendu un singulier hommage au festival d’art et de la parole qu’est Mythos car, même si la parole est rare chez Thylacine, on peut s’accorder avec Sartre pour affirmer que « se taire, ce ne n’est pas être muet, c’est refuser de parler, donc parler encore. ».
Photo © Loewen