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Mythos 2015

Un amour de vieillesse

Mercredi, 20h30. Direction l’Aire Libre pour la première des « Résidents » d’Emmanuelle Hiron. La pièce m’avait tapé dans l’œil à la lecture du programme et pourtant un doute s’empare de moi sur la route. Et pour cause : le sujet de la pièce m’inquiète. Car Emmanuelle Hiron n’a pas choisi son sujet au hasard : en effet, la vieillesse trouble, elle fait peur et on passe notre temps à ne pas penser à l’étape la plus inéluctable de la vie. En arrivant dans la salle, la surprise est pourtant de taille : où sont « les vieux » auxquels je m’attendais ? La moyenne d’âge est jeune, signe révélateur de l’actualité du sujet.

La pièce d’Emmanuelle Hiron a le mérite de soulever de vraies questions et sa mise en scène très sobre ne fait qu’accentuer la profondeur de ses paroles. Assise sur un siège, sans bouger pendant un long moment, elle parvient pourtant à capter l’attention avec une habilité impressionnante. Bien sûr, cela est lié aux interrogations qu’elles provoquent en nous : les « vieux » sont-ils libres ? Jusqu’à quel point peut-on faire d’un Ehpad un lieu de vie ? L’amélioration de la qualité de vie permet-elle vraiment une dignité ? Pourquoi faire de la mort un acte médical alors qu’elle fait partie de la vie ?

Toutes ces réflexions qu’elle se fait à elle-même et qu’elle partage avec son public sont lourdes de sens, dures à entendre, se font parfois accusatrices mais en même temps nécessaires. Les vidéos qui entrecoupent ses propos permettent de les illustrer d’une façon plus légère et avec un grand humour : on y croise des résidents qui se mettent à chanter, qui dansent, qui s’émerveillent sur les boucles d’oreilles des infirmières, qui passent chez le coiffeur pour « se faire belle avant d’aller danser », qui draguent les aides-soignants… Et pourtant, malgré cette bonne humeur des résidents, on sent la fragilité derrière la façade, le découragement qui pointe à tout moment.

Le moment est venu après tout cela de clore le spectacle et de laisser le public méditer… Je laisse traîner mes oreilles pas si indiscrètes à la fin du spectacle, pour écouter les impressions du public. Mais celui-ci ressort de la salle assez silencieux et songeur…

« L’amour des vieux » défendu par Emmanuelle Hiron aurait-il opéré ?