Aller à la rencontre des mots, leur donner la parole et les laisser s’exprimer, tel est le principe de « Déshabillez-mot», émission de radio en direct menée avec humour et finesse par Leonore et Flor, toutes deux chroniqueuses à France Inter dans la vraie vie. Les mots, invités, défilent et prennent corps devant nos yeux. L’Infidélité, la Paresse, la Colère, fille de la Frustration… Ou encore l’Insouciance, capital de points qui s’étiole au fil de nos vies, la Virilité, en plein crise identitaire… Qu’ils viennent livrer leurs états d’âme ou qu’ils soient l’objet d’interrogations fleurtant avec l’Absurde, on prend plaisir à les (re)découvrir. Des flash info viennent ponctuer les interview : la Culture est ainsi toujours dans les couloirs de la mort, avec ses deux compagnons de cellule, la Santé et l’Éducation ; l’Onanisme, quant à lui, est célébré dans la France entière… Le dialogue final, entre la Lecture et sa Lectrice, est finement ciselé et se fait le reflet de leur relation passionnée et inconditionnelle. L’interprétation est savoureuse et pleine de grâce, les mots s’envolent et s’emboîtent à la perfection, déclenchant le rire et laissant songeur. De quoi, donc, redonner à ces mots une place d’honneur, à une époque où on les malmène à leur faire perdre tout leur sens, et toute leur espièglerie.
Par le slam ou la chanson, Arthur Ribo improvise et construit des histoires, au gré de ces mots griffonnés sur des bouts de papier par le public, qu’il découvre au fur et à mesure du spectacle. Une prestation périlleuse (Essayez donc de faire une chanson avec les mots Envie, BZH, Druide de Brocéliande, Suppute, Africanité, Paranoïa et Bigoudi… Difficile, vous avez dit?), mais réalisée avec brio par l’artiste, accompagné d’un batteur et d’un guitariste. Le public est suspendu à ses lèvres et secoué d’éclats de rire, constamment interpellé et enjoint à participer (un spectateur viendra ainsi s’adonner lui-même à l’exercice de l’impro). Il est étonnant de voir chacune des improvisations prendre forme sous nos yeux, musique et mots s’accordant toujours de manière remarquable. S’y décèle en filigrane le regard critique et ironique qu’il porte sur notre société, où les raccourcis de langage engendrent les raccourcis de pensée, alors que « le verbe est une clé indispensable ». S’y révèlent également son amour des mots et son plaisir d’être là, au Cabaret Botanique, là où « chacun sent vibrer l’arène de Rennes ». En bref, un spectacle vivant, sans cesse renouvelé, où il faut absolument aller, et absolument retourner…
Solène Vadé
Photo Philippe Remond