« Le proverbe dit qu’il n’y a pas plus libre que la parole. Mais pour qu’il y ait parole, il faut au moins une bouche et une oreille ! ». C’est cela que nous propose Abdon Fortuné Koumbha Kaf, d’être cette oreille, prête à se laisser surprendre par les mélodies des contes congolais. Cette oreille prête à écouter et partager ce voyage au bord du fleuve Congo.
L’ambiance est détendue, Abdon nous introduit tout de suite dans son univers un peu espiègle, il veut interagir, partager avec nous, il a le temps ! Et nous aussi, on a envie de le prendre ce temps, pendu à ses lèvres, nous attendons la chute de chaque histoire avec impatience… Et cette chute, souvent cruelle, réussit toujours à nous surprendre. C’est à chaque fois une petite leçon de vie qui nous attend. L’humour est présent dans tous les contes, la délicatesse aussi. Il n’est pas chose facile de faire rire l’ensemble d’un public, pourtant tout le monde rit de bon cœur avec Abdon.
Le décor est on ne peut plus simple, le décor, c’est lui : un pantalon, des claquettes et une belle chemise. Le son, c’est celui de sa voix qui nous entraine par ses chants congolais et la rythmique de son discours scandé, parfois presque slamé. C’est aussi pour cela que nous sommes comme hypnotisés par ces récits, parce que le rythme ne nous laisse pas nous reposer, il nous entraine dans le fleuve Congo avec la force d’un courant des plus puissants. Des mots et des chants pour nous parler de choses qui nous touchent, de la vie tout simplement.
On en ressort, le sourire aux lèvres. Ce nuit, c’est sûr, nous allons tous rêver ! Nous allons rêver de l’homme enceinte, nous allons rêver de la plus belle femme du monde, nous allons rêver de cet arrosoir si particulier, nous allons rêver de premières rencontres. Le spectacle d’Abdon n’est pas seulement génial, il est aussi créateur, il active notre imaginaire. Il a la simplicité et l’intelligence de ne pas vouloir nous montrer ce que nous pouvons nous même imaginer. Par la force de l’interaction, il fait travailler l’esprit de son public.
Abdon nous rappelle la richesse de la francophonie, comme il est amusant de s’arrêter sur le sens des mots. Le public du 7 avril se souviendra qu’au Congo on dit : « il l’a vu par derrière » et non « il l’a aperçu de dos » (un quelconque lien avec ce qui se trouve en bas du dos étant purement fortuit !). A nous de lire entre les lignes puisque Abdon n’a jamais de paroles déplacées. A nous aussi de tirer les leçons de chaque contes et d’y comprendre ce que nous voulons.
Je salue la performance de cet artiste qui maitrise à merveille l’art de la parole. Je conseille aussi d’embarquer à votre tour dans sa pirogue pour se laisser porter par le courant du fleuve Congo. C’est ce genre de doux moments qui marquent un spectateur. Je suis certaine qu’en plus d’en rêver, je me souviendrai longtemps de ses contes.