Aller voir Luigi Riganese sur une péniche, c’est se mettre dans une atmosphère particulière avant même que le spectacle ne commence. D’abord, on longe les bords de la Vilaine dans la lumière du soir, en se disant que Mythos avec ses lieux insolites, a l’avantage précieux de nous faire découvrir Rennes autrement. Et puis, tout au bout du quai, on embarque pour un voyage immobile. Entrer dans la péniche c’est voyager dans le temps, au milieu des couleurs chaleureuses, d’objets insolites, entouré par une odeur d’antan. On arrive dans la salle avec ses grands fauteuils rouges, une carte imaginaire peinte au plafond, et sur la scène, une chaise entourée d’instruments de musique qui attendent patiemment. On entend déjà les spectateurs s’interroger sur cette ambiance, le charme est sur le point d’opérer.
L’unique protagoniste de cette pièce aux milles visages entre sur scène, très humblement, comme il entrerait chez vous pour vous raconter une histoire. Il revêt de multiples visages et incarne des personnages tous plus sympathiques et colorés les uns que les autres. Il a cette aptitude à changer de personnage et d’adapter tant sa figure que sa voix à celui-ci afin de lui donner plus de corps. Au début, il trébuche sur les mots, ce qui rend son récit d’autant plus vivant et humain. Cette soirée à la Péniche à écouter « Tutti Santi ! Tutti Pagani ! » nous a fait rajeunir, redevenir enfants. L’enfance, ce moment béni durant lequel on se laisse porter par le flot de paroles de nos parents afin de laisser notre imagination compléter leurs récits. Ce soir, dans l’ambiance intime de la Péniche, Luigi Riganese nous a fait retomber en enfance, nous a fait imaginer tout un univers avec sa voix. Il a su nous faire embarquer dans un voyage au soleil sur les cotes méditerranéennes avec cet art de nous prendre par la main pour nous mener à destination. On rit, on réfléchit, et on savoure cet instant suspendu. Et en voyant les regards rieurs et fascinés de l’auditoire, on réalise que ce retour en enfance est partagé.
« Tutti Santi! Tutti Pagani! » c’est aussi un conte pour adultes. Quand on écoute bien ce que nous dit ce conteur, derrière le rire se cachent des sujets bien plus sérieux. Il y a dans cette prestation toute une réflexion théologique qui prend des allures de piques et de blasphèmes. Impossible de laisser de côté la religion pour Luigi Riganese mais il traite du sujet avec une réelle habilité et avec humour. Il expose avec lucidité les problèmes que la religion et son interprétation peuvent poser et fait rire le public sans oublier de rappeler le message initial que la religion doit apporter. Notre troubadour, en racontant une révolte loufoque des saints au paradis, parvient à nous faire réfléchir sur l’engagement, sur la protestation et bien plus encore… Les exemples foisonnent. C’est là aussi le pouvoir du rire, celui de nous faire découvrir des choses par nous-mêmes. De par ses histoires – on vous invite chaleureusement à aller les découvrir – mais aussi parce que c’est un spectacle qui traite non seulement du blasphème, mais aussi de la religion, et ce en toute légèreté. Dieu sait si on en a besoin en ce moment…
Vient finalement le moment où le spectacle se termine… C’est, encore une fois, très humblement que l’artiste vient saluer, avec ce même sourire et ses yeux rieurs. On retourne à la réalité, un peu à contre coeur, on quitte l’enfance sans l’oublier complètement. En sortant du bateau, la première chose que l’on voit ce sont les étoiles du ciel rennais, et celles qui brillent dans les regards…