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Mythos 2017

À la traversée tranquille du vendredi succède l’euphorie d’un samedi sur le ton de l’humour

Tour d’horizon des différentes prestations : une itinérance dans différents continents

Un voyage au Sénégal entre conte africain et vision ethnocentrique de l’Occident
La configuration du chapiteau se transforme : les chaises investissent l’espace central, la scène se voit garnie d’une chaise et d’un bureau où trônent divers objets africains : des instruments en bois, une statuette représentant une petite fille, qui servira d’ailleurs à illustrer l’histoire de la petite Attifa de Yambolé, orpheline de mère et qui fera tout pour la retrouver (quitte à se faire au final… manger !) Parmi ces objets, on pourrait s’étonner de trouver un ordinateur portable, des médicaments contre la toux (celle-ci, réelle pour l’entendante, il faut croire que la pluie de l’après-midi aura eu raison de ce rhume inattendu). Mais leur place a un sens, tout comme le reste de ce spectacle à faux imprévus et prétextes.
L’une à la parole, l’autre traduit en langue des sourds, et non en « langue des signes », désignation qui, selon elles, est trop péjorative. Et malheur à celui qui osera dire « malentendant » : une insulte encore une fois, non mais dis donc ! Avec un peu plus de sérieux, voilà ce qui ressort de ce spectacle alternant le soi-disant conte d’Attifa et la vie personnelle de ces deux pétillantes femmes. Le conte ne sert en fait que d’illustration aux thèmes qu’elles aborderont pendant 1h10 de pur plaisir : leurs excursions en Afrique, les réactions de leur entourage face à cet amour du voyage hors Europe… deux fans du « sous-continent » face à leur vision occidentale du monde et de leur quotidien en général. On perçoit comme une volonté de dire « je m’égare à raconter ma vie » mais ce n’est qu’une astuce. Car oui, tout est relié dans cette confrontation Occident/Afrique. Des cultures divergentes entre les deux continents, à la question du racisme et de l’ethnocentrisme occidental d’une vision de l’Afrique pauvre et en détresse et celle d’une France riche et intelligente, les deux comédiennes nous montrent toutes ces différences que nous, occidentaux, considérons aller de soi, et ce que les Africains, eux, en pensent. On en aurait oublié le déroulé des péripéties de la jeune Attifa, mais elles restent en toile de fond. En ponctuant les questions de société soulevées, le conte vient donner encore plus de légèreté au ton du spectacle. Quand celui-ci prend fin, le duo abandonne les boubous pour apparaitre en « habits occidentaux » (si tel est permis de catégoriser un type de vêtement par rapport à la culture du continent qu’il est censé représenter) et remercier l’équipe d’avoir « joué le jeu ».

La valse métallique des chaises
Les bénévoles s’activent pour changer le visage de la piste centrale : pliage des chaises en ferraille dans un joyeux brouhaha métallique (même les enfants mettent la main à la pâte !). En un rien de temps, l’ambiance africaine laisse place au décor urbain bling-bling à l’américaine des Puppetmastaz.

Un urban style à la sauce déjantée des Puppetmastaz
Il fallait y être pour apprécier pleinement cette parenthèse folle des allemands de Puppetmastaz. Toujours est-il que le passage d’un continent à l’autre est radical. Des plaines d’Afrique, on débarque dans les rues gangsta des grandes villes américaines. On ne sait pas vraiment laquelle, mais le plus fou c’est cette mise en scène complètement crazy et ces personnages qui le sont tout autant. Lapin en survet’, oiseau déplumé aux lunettes noires, crapaud en tenu de business man douteux et autres bébêtes non identifiées habillées de lourdes chaines en or, propres au style des rappeurs afro des années 1980, se déchainent. Sous le prisme d’une histoire de patate, des personnages ponctuels jouant le rôle de méchants (aurez-vous d’ailleurs repéré le membre du Ku Klux Klan en version rouge ?), on pourrait noter en trame de fond, un peu d’histoire américaine (de l’ère de l’esclavage à la guerre d’indépendance, de la ségrégation raciale à celle des revendications des minorités au XXe)… Mais surtout, un air de folie flotte partout sous le chapiteau. Euphorie quand les véritables chanteurs révèlent leur identité : des marionnettes, on est passé à leurs maitres. Jump, jump, jump : l’ambiance est délirante.

L’esprit provocateur des Naive New Beaters
Les Puppetmastaz, comme une sorte de mise en lumière d’une jeunesse qui teste ses limites, le passage d’une adolescence révoltée à l’âge adulte ? Des limites largement dépassées par l’état d’esprit des Naive New Beaters qui clôturent cette deuxième soirée musicale du festival : provocation, positions ostentatoires, séduction du public… Le groupe tout de bleu et or vêtu nous transcende, les vibrations nous transpercent. Pour leur huitième venue à Rennes, les Naive New Beaters nous plongent dans des résonances électro, disco et rock propices à enflammer un public chaud bouillant. Le chapiteau est une fournaise mais n’empêche pas les artistes de danser, bouger, se déhancher sans laisser transparaitre la moindre fatigue (surtout beaucoup de sueur).

Pour ce deuxième soir de Mythos, on sera donc arrivé sur d’autres continents dans une ambiance pleine d’humour et de folie. Et en y regardant de plus près, il y était peut-être finalement question d’un cycle de vie illustré : de l’enfance insouciante d’une petite fille africaine, en passant par la jeunesse américaine en colère, pour finir sur une transition à l’âge adulte pas tout à fait terminée. En effet, on ne pourrait pas affirmer que devenir adulte signifie abandonner sa folie et ses passions…. C’est ce qu’on aurait pu ressentir à la sortie du Thabor hier soir, du moins, pour ceux qui l’ont quitté assez tôt pour se garder de la place pour dévorer la suite. Et oui, encore huit jours de fête qui nous promettent encore beaucoup… beaucoup de plaisir !

Photo © Nico M