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Mythos 2022

De grands moments de musique avec Hubert-Félix Thiéfaine

Le 3 avril 2022, sous le chapiteau du Cabaret botanique, Hubert-Félix Thiéfaine a partagé avec un public déjà conquis de beaux moments de concert. Entouré par quatre musiciens multi-instrumentistes pour des arrangements fouillés et efficaces, le chanteur a encore démontré qu’il est un maître qui n’a pas pris une ride.

Après plus d’une heure de pop dansante portée par le duo de chanteurs de Terrenoire, la foule n’attend que l’arrivée du célèbre rockeur français et l’impatience est palpable sous le chapiteau à l’issu des 30 minutes d’entracte. Habitué des salles de concerts et jouissant du succès de sa longue et diverse discographie, le public est déjà conquis, rodé à ses textes fins et poétiques et prêt à passer 1h30 en sa compagnie. Et pendant ce grand moment de partage entre l’artiste, son groupe et le public, Hubert-Félix Thiéfaine nous a offert sa voix, et bien plus encore…

Unplugged : cinq musiciens pour des arrangements justes et efficaces

Ce qui frappe d’emblée, c’est l’efficacité des arrangements. Pour cette tournée, Thiéfaine est entouré de quatre musiciens multi-instrumentistes, interprétant avec justesse les compositions. En plus des classiques guitare-basse-batterie-piano, le set est embelli par un saxophone baryton, un violoncelle, une contrebasse et un harmonica, que Thiéfaine joue en même temps que la guitare pour Petit matin 4.10 heure d’été. Les timbres s’enchaînent, au gré des styles et des ambiances. On passe rapidement de l’ambiance festive et lumineuse d’un Pulque, Mezcal y Tequila à l’ambiance sombre et mystérieuse de Les dingues et les paumés, en passant par les balades rocks ou par des moments plus calmes et introspectifs.

Mais quelque soit l’ambiance, Thiéfaine emmène l’auditorat avec lui, jusqu’au bout. Sa voix puissante clame avec justesse les mélodies et les textes que la plupart du public connait par cœur, pour le bonheur de toutes et tous.

De grands moments de live

De grands solos, le public qui chante à tue-tête, des moments plus reposés où l’emphase est faite sur le texte, le set est dense, complet et fait la part belle à la diversité des compositions. Surtout, il livre des moments mémorables de concert. Dès son entrée en scène sur La ruelle des morts, Thiéfaine a conquis tout le public, mais c’est avec une chanson qu’il introduit par « Voici l’histoire d’une héroïne que je n’ai pas rencontré dans une cathédrale » qu’il arrive pour la première fois à faire chanter toute la salle. En effet, le groove de Lorelei sébasto cha réussi à créer un beau moment joyeux et collectif. Et le quintet réitère la performance pour Pulque, Mezcal y Tequila, où le public célèbre avec le chanteur ses 14 ans sans alcool.

Mais le chanteur sait aussi laisser la place à ses musiciens, en particulier pour le violoncelle lors de l’introduction et la conclusion de Les dingues et les paumés. Chanson magistrale, la composition bénéficie d’un nouvel arrangement à la limite de l’expérimental : l’effet de réverbération donné au violoncelle crée une atmosphère étrange et planante.

Mais c’est pour la fin du concert, pour la dernière chanson avant le rappel, que Hubert-Félix Thiéfaine et son groupe livrent le plus beau moment musical de la soirée. Page noire, chanson fleuve et pièce maîtresse de son dernier album Géographie du vide (2021), est magistralement interprétée. Après avoir chanté son magnifique texte où le public retient son souffle, Thiéfaine quitte la scène pour laisser ses musiciens nous partager une superbe seconde partir de morceau. Le saxophone baryton, monstrueux pendant tout le concert, se surpasse et offre un long solo aussi impressionnant que déchirant, raisonnant de longue minutes après les dernières notes, alors que le public applaudit encore la performance.

Pour le rappel, le groupe revient pour deux chansons plus légères où le public ne se prive pas de chanter et de profiter des derniers instants de concert. En particulier, le tube intemporel La fille du coupeur de joints est un véritable moment d’osmose entre un artiste et son public, rappelant qu’hier comme aujourd’hui, Hubert-Félix Thiéfaine est capable de nous faire danser et de nous faire chanter.

Après ce set où une place est faite aux vieux tubes comme aux récentes compositions, le public est plus que satisfait par la maîtrise des interprétations et par la qualité des arrangements. Thiéfaine est un maître qui n’a pas pris une ride. Même si on aurait été curieux de voir l’interprétation de Prière pour Ba’al Azabab, le morceau le plus original du dernier album, la setlist était efficace et le concert une vraie réussite. Minuit passé, la foule se sépare et se disperse progressivement, mais chacun chantonne encore les superbes mélodies de cette soirée au Thabor.

Matis Eugène
Photo © Bruno Bamdé