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Mythos 2016

La CIP censure les élus au Festival des arts de la parole

Ce vendredi à 18h00 se tenait dans le somptueux Cannibale Resto l’inauguration de cette 20ème édition du festival Mythos, un moment symbolique pour son directeur Maël Le Goff. Le festival a en effet bien évolué depuis ses débuts en 1996. A l’origine, il s’agissait d’une rencontre de conteurs essentiellement basée à l’Église Saint Etienne. Aujourd’hui, le Magic Mirror construit sur mesure accueille des têtes d’affiches comme Bertrand Cantat, Deluxe, et Jain.

Pour marquer l’événement, le Cannibale Resto était au top. Des petits fours disposés un peu partout dans une salle splendidement décorée n’attendaient plus que le discours du directeur et des élus pour être dévorés.

Cette atmosphère solennelle s’arrêta là car ce soir les élus ne parleront pas. Ils ne parleront pas car telle est la décision d’une trentaine de jeunes gens indignés, venus « sans leur carte » autour d’une cause commune, celle des intermittents du spectacle. Vêtus de leur tee-shirt à croix blanche, symbole de la Coordination des Intermittents et des Précaires (CIP), ces derniers ont choisi l’inauguration de Mythos pour réclamer le retrait de la loi travail, et témoigner de leur indignation face à la précarité, la violence policière et l’omniprésence des politiques sur la scène médiatique.

C’est une jeune femme qui se prête à l’exercice du discours. Elle raconte tout d’abord les violences subies par le groupe à l’entrée du festival, par des hommes supposés appartenir à la BAC. Les soupçons ne sont pas voilés et les questions posées de manière directe. Au nom de tous les précaires, elle demande la « séparation du Medef et de l’Etat » et déclare « Le Medef ennemi public numéro 1 ». Cette phrase peu sembler violente mais n’est pas surprenante puisque le Medef réclame encore et toujours la suppression pure et simple du régime des intermittents. Son discours se termine par « les élus ne parleront pas ce soir, ils ont déjà assez la parole ».

Ce n’est pas la première fois que s’expriment les revendications du CIP à l’inauguration de Mythos. En avril 2014, une cinquantaine d’intermittents étaient venus masqués de figures du Medef pour dénoncer l’accord signé le 22 mars entre les syndicats et le patronat sur la nouvelle convention de l’assurance-chômage. Le texte refusait le régime spécial de l’intermittence qui accentuerait les inégalités entre les différents salariés face au chômage. Les intermittents toucheraient en effet des allocations plus élevées pour un nombre d’heures travaillées moindres.

Deux ans plus tard en 2016, le régime des intermittents est remis sur la table par le Medef. Une lettre de cadrage signé par trois syndicats (CDT, CFTC et DFE-CGC) réclamait une économie de 185 millions d’euros sur le régime d’assurance chômage des intermittents. La ministre de la culture Audrey Azoulay a déclaré en réponse dans Libération le 15 avril, que ce « cadrage adressé au monde du spectacle était une provocation » que « l’État ne laissera pas tomber les intermittents ».

A Mythos, un léger malaise s’est fait sentir au Cannibale Resto. Le directeur a clôturé le non-débat en affirmant soutenir une partie de la cause de la CPI tout en déclarant que c’était un comble dans un festival de la parole de ne pas laisser la parole aux élus.

Etienne Jubault
Visuel © Titouan Massé