Loin du froid d’un lundi soir breton, Camille et le public du Cabaret Botanique ont offert une performance musicale interactive et a cappella où les voix de toutes et tous se sont mélangées pendant une heure et demi pour un résultat joyeux et enchanteur. Le temps de cette expérience collective et originale, alors que nos voix ne faisaient plus qu’une, Camille nous a encore démontré que le chant est l’affaire de tout le monde…
Ni un spectacle, ni une chanson
Dès l’entrée dans la salle, le spectateur, qui sera bientôt chanteur, sait qu’il ne verra pas un concert comme les autres. Chacun et chacune se positionne petit à petit autour d’un cercle au milieu du chapiteau : la scène y prendra forme et nous en ferons partie. Lors de son entrée en scène, Camille se faufile au milieu du public et apparait au milieu du cercle, prête à partager ce moment musical. Nous allons voir un Lalà. Mais un Lalà c’est quoi ? « Ce n’est ni un spectacle, ni une chanson. Un Lalà, c’est chanter des phrases simples, qui à force de répétition perdent leur sens premier et se transforment. »
Un Lalà, c’est répéter des mots ou des phrases simples, parfois sans queue ni tête, comme un mantra, pour faire naître de la musique, une chanson, et beaucoup plus. Nous étions donc répartis en 3 groupes : trois arcs de cercle autour de la scène pour trois différents timbres de voix. Trois groupes complémentaires pour une chanson collaborative, interactive, où tout le monde est invité à chanter, danser, taper dans ses mains, sur un seul et même mot, ou phrase. Parmi ces mots, on retrouve le plus simple « Oui » (nom de son dernier album paru en 2017), mais également «À la belle étoile », « Un crayon de couleur » ou « C’est parfois lourd d’être libre comme l’air ». Chacun correspond à une chanson, une ambiance, mais des multitudes de mélodies s’y s’entremêlent.
Camille, véritable cheffe d’orchestre, lance les voix graves sur un thème et les voix hautes sur un autre, joue sur la complémentarité des mots pour former des compositions harmoniques efficaces, et chante par-dessus, fait des solos, et transforme continuellement la chanson en donnant de nouvelles indications au groupe. Le public-acteur fonctionne comme des boucles qu’un musicien électronique utiliserait. Mais plus que de simples outils, les spectateurs font ici partie intégrante de la performance, à pied d’égalité avec l’artiste : la chanson fait le groupe et le groupe fait la chanson.
Une performance collective à ne pas manquer
L’expérience proposée par Camille est sûrement la performance la plus originale du festival. L’artiste est totalement dans son élément, au milieu de la foule et jouant avec elle. Pour « On avait dit pas d’cadeau » elle demande à 7 personnes d’être au milieu avec elle pour faire les percussions, pour « La pluie est l’amie du cinéma » elle demande à plusieurs « poissons pilotes » d’être chefs de fil et d’inventer des chorégraphies avec les bras, mimées ensuite par les personnes derrière.
Au détour d’une pause, elle demande à des personnes du public leur ressenti et lors du rappel, c’est cette fois-ci au public de choisir les mots pour la nouvelle chanson. Après la proposition non-retenue de « L’amour est mort », c’est finalement le régional « Galette saucisse » qui est choisi par Camille, supporté par la majorité du public. L’expérience est bon-enfant, joyeuse et festive.
Comme à son habitude, Camille livre des moments mémorables de concert. Pour la fin du concert, elle reprend son tube Ta douleur de son album Le fil (2005), mais toujours avec l’aide de tout le public, qui l’accompagne et construit le morceau à ses côtés. En véritable communion avec le public, Camille l’invite à venir danser avec elle et à la rejoindre dans le cercle. Très rapidement, tout le monde danse et chante au milieu du chapiteau, chacun devient l’artiste.
Pour conclure en apothéose la performance, Camille commence le « Lalà du nouveau monde » composé d’une première partie « on en a marre » et d’une suite « un nouveau monde ». Les liens tissés dans la salle au cours de l’expérience sont à leur paroxysme et la chanson se termine avec regret : on aimerait prolonger l’instant encore une éternité. Une fois rentré dans le jeu, il est difficile d’en sortir, et il faut bien dire que cette performance collaborative portée par la géniale Camille nous a bien envoutée.
Matis Eugène
Photo © Nico M