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Mythos 2017

Fantazio et PJ Harvey, la musique dans la peau et le mot juste

C’est qui ce/cette barjo qui crie là ? Ah, un monsieur et une contrebasse. Olloh, dans quoi je me suis embarquée ? Mince j’ai raté le début, mais il parle de quoi là ? Je prends 5 minutes pour savoir si ce que raconte cet énergumène est sérieux ou juste totalement absurde.

A ce moment-là je venais de faire connaissance avec Fantazio. On m’en avait parlé (Histoire intime d’Elephantman), mais je n’avais jamais vraiment compris le personnage. Petite recherche Google, et on trouve ses titres de noblesse : musicien, comédien, auteur-compositeur-interprète, improvisateur. En fait non. Fantazio mélange tout, des styles de musique, à la parole philosophique ou absurde, souvent improvisée ; Fantazio c’est l’expression vraie de soi dans son désordre et son entière spontanéité. Alors oui quand on rencontre Fantazio pour la première fois, il y a un truc, impossible de rester indifférent, on est directement pris d’amitié pour ce visage rieur et pensif. Et c’est ça Fantazio, dire des choses, absurdes certes, drôles, mais que le spectateur peut s’approprier pour réfléchir, en tirer un enseignement.

Le spectacle Dans la tempête était donc une prestation unique, non reproductible. Fantazio a beau réfléchir a ce qu’il va dire quelques jours avant, ce sera toujours improvisé, laissé aux aléas de son esprit. Cette liberté lui permet d’interagir avec le public et de s’adapter à leur réaction. Comme un cadeau qu’on veut personnaliser, chaque performance de Fantazio est unique, dans l’instant présent.

Et c’est ce qui ressort de ses élucubrations : « il faut manger le réel ». Fantazio absurde, vraiment ?

Pendant 30 minutes, Fantazio parle, joue de sa contrebasse, chante, crie. C’est une parole brute qui nous parvient. Elle rappelle à merveille ce pourquoi Mythos existe : s’exprimer. Fantazio à travers sa prestation nous invite à parler, ressortir tout ce qui grouille en nous et vivre vraiment nos émotions.

Bonus : Interview avec le Crij

D’où vous viennent les idées dans vos textes ?

Fantazio essaye de « décrire un monde mental pas forcément compréhensible », « les gens prennent ce qu’ils veulent ». « Tout le monde a un monde mental, mais on en parle peu », « il y a une domestication du monde social, on ne le voit jamais en musique, sauf en musique instrumentale.

Comment arrivez-vous à improviser autant dans votre spectacle ?

Pour Fantazio, il y a un état où il faut se mettre pour improviser, une disposition d’esprit. Il réfléchit à des idées les jours précédents et le matin même puis juste avant la représentation, il se vide l’esprit, ça lui fait même un peu peur parfois, de tout perdre. Mais lorsque c’est à lui, les idées engrangées reviennent, et la pression d’être sur scène, de sentir l’attente du public le porte à parler, naturellement. « Il y a toujours des choses à dire quand on est devant des gens ».

Fantazio en vient à nous parler de ses questionnements, parfois sur sa légitimité à être là. Mais pour lui il y a une urgence de la parole. « si tu le fais pas, t’étouffes ».

Durant cette interview, et notamment quand on abordait sa capacité d’improvisation, ses imitations de Castro ou de Malraux, sa passion pour la langue anglaise, Fantazio improvisait, imitait, faisait de la poésie et nous a impressionnés.

Photo © Loewen photographie

Les spectateurs ont applaudi Fantazio, mais ils attendaient déjà PJ Harvey. La chanteuse de rock séduit régulièrement les festivals français, mais c’est pour ses talents de poète qu’elle a été invitée à Mythos. En octobre 2015, elle publie le recueil « The Hollow of the Hand ». Pour écrire ses poèmes, elle décide de partir au Kosovo, en Afghanistan et à Washington avec le photo-reporter Seamus Murphy.

Sobrement habillée, contrairement à certains de ses concerts, elle nous a donc présenté le recueil, puis a lu ses poèmes. D’abord ceux sur le Kosovo, abordant le thème de la guerre, ou de ce qui en reste, de la population qui vit sur des ruines, de la mort toujours présente. Sur l’Afghanistan, elle évoque la beauté des paysages, mais surtout la pauvreté, les enfants livrés à eux-mêmes, les restes de l’intervention américaine, et comment les Afghans ne se sentent plus chez eux. Elle parle aussi de la religion, et de la place de la femme, toujours avec ce regard d’enfant, vide de préjugés. Enfin, les poèmes sur Washington DC se posaient en conclusion des deux pays précédents, Washington DC, ville où ont été prises les décisions de guerres au Kosovo et en Afghanistan. Elle y a vu de la pauvreté, toujours, des mains qui mendiaient.        

PJ Harvey, a ensuite présenté quelques poèmes de son nouveau projet, dans lesquels elle parle à travers les yeux d’une fille de 9 ans qui habite en campagne.

La chanteuse et poète lisait en anglais, heureusement une traduction était projetée en fond. Mais, pour la dernière partie il n’y avait pas de traduction disponible. Autant dire que je n’ai pas compris grand chose et je n’étais pas la seule. Malgré tout, j’ai été séduite par le recueil de PJ Harvey, son regard sur le monde rempli d’humanisme, et sa façon de vivre les poèmes intensément.

Photo © Loewen photographie